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REVUE DU PAYS DE CAUX

livrent leurs premiers assauts ; les autres émergeant à peine de la surface des flots présentent le contraste d’un sable blafard et d’une roche noirâtre ; mais partout la même désolation, la même nudité, le même gazon maigre et ras. « Rien que d’innombrables péninsules terminées par des caps effilés ou par des cimes toujours couronnées de nuages, s’écrie M. de Montalembert en décrivant les désillusions que lui fit éprouver la première vue de ces parages — rien que des isthmes rétrécis au point de laisser voir la mer des deux côtés à la fois ; rien que des pertuis si resserrés entre deux murailles de rocher que l’œil hésite à s’y engager. »

Elles ont pourtant leurs fidèles, ces terres Hébridiennes. Qui se laisse prendre à leurs charmes y rêve toujours et ce n’est pas sans raison qu’un célèbre romancier voulait placer là le séjour des êtres surnaturels de la mythologie Scandinave, de ce poétique Olympe où doivent s’asseoir Ossian et Fingal. Mais pour saisir les beautés de leurs rudes paysages, il faut la tempête ou, tout au moins, l’atmosphère chargée de vapeurs à travers lesquelles filtre un rayon de ce pâle soleil du nord qui semble le reflet neigeux des régions arctiques. Là s’élève cette fameuse grotte de Fingal qui excite si justement l’enthousiasme des touristes. Ses colonnes régulièrement taillées, ses saillies, ses nervures gothiques qui lui donnent l’aspect d’une cathédrale ne sont pas l’œuvre d’un architecte humain et on a peine à n’y voir qu’un coup de hasard des forces naturelles. En fait c’est la matière en fusion, qui aux premiers refroidissements du globe, s’est ainsi cristallisée en prismes de basalte. Voilà pour la science ; il faudrait maintenant emprunter à la poésie son divin langage pour en achever la description ; c’est par là que je terminerai en vous racontant la manière originale et toute Anglaise dont les voyageurs pressés parcourent en douze heures l’archipel des Hébrides, sur un petit steamer très confortable où l’on fait un excellent déjeuner aux refrains de la Mascotte ou des Cloches de Corneville.

Le bateau à vapeur sera notre dernière étape car il est actuellement la dernière expression de la civilisation ; mais pour en arriver là, il faut parcourir bien des âges que remplissent successiment la conquête chrétienne, la domination étrangère, la puissance seigneuriale. Cette histoire, que nul écrivain n’a rédigée, nous la déchiffrerons dans les ruines qui parsèment les îles ; monuments druidiques, forteresses Danoises, monastères chrétiens,