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L’ÉVOLUTION DE LA DÉMOCRATIE

tout ce dont auparavant on souhaitait qu’il ne s’occupât point. Son avis sur chaque question, sa présence en toute occasion, sa parole à tout propos, voilà ce que veulent ses sujets. Il tendait à devenir la machine à signer de son premier ministre et maintenant son premier ministre tend à n’être plus que son secrétaire général.

Quand la reine Victoria monta sur le trône d’Angleterre, elle n’était pas très sûre de son droit divin ; elle sentait plus de force lui venir de la constitution que de la couronne, objet symbolique destiné, semblait-il, à être bientôt enfermé dans une vitrine de musée. Il y eut chez nos voisins, vers le milieu du siècle, des républicains ; mais peu, parce que ces gens pratiques estimaient que la république leur coûterait plus cher que la monarchie présente : le raisonnement était courant. Quand la reine est morte, elle était devenue impératrice des Indes et avait reçu à deux reprises, les acclamations enthousiastes de je ne sais combien de millions d’hommes empressés à louer la grandeur de son titre mieux encore que l’étendue de ses mérites personnels. Plus Édouard vii jette d’hermine et de pourpre sur ses épaules, plus il rehausse l’éclat de sa cour et plus il est populaire, non pas parmi la foule qui se presse pour le voir passer, mais parmi le peuple instruit et raisonnable qui lit avec ferveur dans les journaux le détail de ses moindres gestes. Victor Emmanuel iii s’est gagné sans doute beaucoup de sympathies par son libéralisme intelligent, mais les Italiens se réjouissent surtout de le voir jeune, actif, s’astreignant bien que peut-être son tempérament l’en écarte, à une discipline militaire et y astreignant son entourage. Les moindres souverains, les princes héritiers tiennent les yeux fixés sur Berlin, Londres ou Rome et imitent les attitudes qui y ont cours. Au même moment, on voit Christian ix maintenir plusieurs années au pouvoir des ministres que son parlement met obstinément en minorité, François Joseph recourir pour gouverner à un certain article 14 de la constitution qui permet le rétablissement momentané de l’autocratie, Léopold ii enfin recommander aux élus de la nation « moins de paroles et plus d’actes » sur un ton qu’il n’eût jamais osé employer au début de son règne. En d’autres temps le respect qu’eût toujours inspiré le caractère de la reine Marie Christine n’aurait pas suffi à pallier la fragilité de sa régence et le piteux régime qu’est la monarchie Portugaise se serait dès longtemps effondré de lui-même. On disait que la révolution Brésilienne allait être le prélude de nombreux cataclysmes royaux.