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tous ceux qui présentent les chances de non assimilation, faciliter par tous les moyens et provoquer même, ceux qui offrent de véritables garanties sous ce rapport.

La Carrière de Sagasta.

C’est, malgré tout, une belle carrière que celle de Don Praxedes Mateo Sagasta mort à soixante-seize ans au moment où il venait de quitter ce pouvoir suprême qu’il avait tant de fois exercé. Les débuts de sa carrière furent agités comme l’était alors l’existence quotidienne de l’Espagne. Il commença par conspirer avec les républicains et s’écarta d’eux quand ils furent au pouvoir. Il fut ministre d’Amédée de Savoie pendant la courte et bizarre tentative faite pour implanter cette royauté latine sur le sol Ibérique. La restauration d’Alphonse xii fixa sa voie : il jura alors à la monarchie constitutionnelle une fidélité qui ne devait plus se démentir. Avec Canovas qu’il remplaçait et auquel il cédait la place tour à tour, avec l’illustre Castelar dont la sereine neutralité contribua si fortement au maintien du trône, Sagasta fut l’artisan du régime nouveau. Artificiel sans doute, ce régime ; on ne sait pas bien pourquoi Canovas était le chef des conservateurs et Sagasta celui des libéraux ; il n’y avait entre eux que les différences qu’y mettaient leurs tempéraments opposés et la variété de leur talent ; les plus libéraux étaient parfois les conservateurs et les libéraux n’étaient pas toujours les moins ultramontains. Au fond, la liberté demeurait minime et l’éducation nationale ne se faisait point. Mais était-ce bien là le plus pressé ; il fallait d’abord vivre et soustraire l’Espagne à cette intolérable habitude des pronunciamentos, des révolutions perpétuelles, des secousses incessantes qui la tuait à petit feu. La réunion de quatre personnalités fit ce miracle ; la reine Christine, Canovas, Sagasta et Castelar, tels sont ceux à qui l’Espagne doit un repos politique que les plus optimistes, il y a trente ans, n’auraient pas osé espérer pour elle. Castelar et Canevas sont morts, ce dernier, on s’en souvient, sous les coups d’une brute anarchiste : voici Sagasta qui disparaît et la régence de la vaillante reine a pris fin. Une nouvelle période commence pour l’Espagne. Puisse Alphonse xiii rencontrer autour de son trône, beaucoup de dévouements aussi sincères, de talents aussi brillants, de caractères aussi généreux que ceux dont bénéficia le long prélude de son règne.