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REVUE DU PAYS DE CAUX

sang qui va de nouveau couler dans ces malheureuses régions retombera sur leur tête. La force infâme du sultan n’est faite que de la faiblesse des gouvernements civilisés et cette faiblesse provient de leurs compétitions, de leurs jalousies et de leurs secrets calculs. Cette affaire de Macédoine peut-elle encore se régler pacifiquement ? Nous serions tentés de le croire, mais ce n’est pas l’opinion courante : le pessimisme règne dans les chancelleries ; et l’on dit que le comte Lamsdorf, en son voyage, s’est appliqué surtout à poser des paratonnerres ici et là, de façon à guider la foudre, tant il est sûr de sa chute. Charmante perspective ! Et dire qu’en s’y prenant un peu d’avance et en y apportant un peu de loyauté et de désintéressement, il eut été si facile de détourner l’orage. Ce qui rend l’horizon particulièrement sombre, c’est que les nuées montant à l’assaut de ce coin du ciel Balkanique viennent de côtés différents et vont se heurter ; à la révolte des chrétiens opprimés contre les Turcs oppresseurs se superposeront la lutte des Grecs contre les Bulgares et les rivalités des vilayets entre eux. La Macédoine aurait besoin que le sage Philippe et le génial Alexandre sortissent de leurs tombeaux.

Faut-il naturaliser ?

Un certain député du Doubs, M. Grosjean, vient de s’insurger contre la naturalisation. Certains croyaient que la France ne l’accordait pas assez aisément, mais il paraît que c’est le contraire. Du moins, M. Grosjean en juge ainsi et il présente à l’appui de sa thèse deux arguments principaux dont l’un est à prendre en considération et dont l’autre est tout à fait erroné. Commençons par le second. Il paraît que sur 6.900 naturalisations mâles accordées par la France, 5.000 seulement ont lieu avant l’âge du service militaire. M. Grosjean s’en indigne. Le Temps lui répond bien justement que c’est là une très jolie proportion et qu’en un temps où l’on voit passablement de jeunes gens s’efforcer d’échapper à l’impôt du sang, il est remarquable qu’il se soit trouvé autant d’étrangers pour accepter une charge dont quelques années plus tard ils eussent pu devenir Français sans avoir à porter le poids. Le raisonnement est irréfutable. L’argument tiré des statistiques de l’Assistance Publique est moins facile à réfuter. Sur 1.900 naturalisations accordées à Paris en une année, 1.700 ont profité à