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déesse Istar, ayant conçu une folle passion pour Gilgamès, après la victoire du héros sur Humbaba, celui-ci repousse dédaigneusement ses propositions, et, dans un suprême effort, triomphe même de l’amour.

Ces exploits ne sont point, comme on pourrait le croire, un simple déploiement de force physique, mais déjà une vraie manifestation de valeur morale. Ce vainqueur de géants, ce dompteur de monstres, ce tueur de lions est mû par des motifs élevés. Il apparaît comme un instrument, dont les dieux se servent pour civiliser l’humanité barbare, pour purger la terre et extirper le mal. Gilgamès ne nous est-il pas donné, en effet, dans la conquête qu’il fait d’Eabani, l’homme-taureau, comme le favori de Samas, et, dans la victoire qu’il remporte sur Humbaba, comme son représentant chargé de venger en son nom l’iniquité ? Ainsi tient-il, par une sorte de cumulation, le double rôle de bienfaiteur et de justicier. Ces traits, déjà fortement marqués dans notre épopée, se sont accusés encore dans certaines œuvres d’un caractère plus particulièrement religieux, comme l’ Hymne à Gilgamès, où le héros est invoqué, comme un dieu guérisseur, contre toute espèce de maladie, et même, semblent s’être imprimés profondément, jusque dans le nom hiératique Is-tu-bar, qui servait à le désigner. C’est là le côté attachant d’un tel personnage, ce qui donne à ce type son véritable sens.

Mais, en outre, ce guerrier invincible est doublé d’un voyageur intrépide. Gilgamès joint, au courage d’Achille, les ressources d’Ulysse. Frappé au cœur par la perte d’un ami, qu’il a vu succomber sous ses yeux, se sentant d’ailleurs atteint lui-même d’un mal étrange, il entreprend un lointain voyage. Ayant franchi d’abord les portes du soleil, gardées par les hommes-scorpions, et traversé l’immense région de la nuit, il se trouve tout