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doute Aruru, la même qui créa de ses propres mains Eabani. Par ses ancêtres, il se rattachait à Samas-napistim, le héros sauvé du déluge, élevé par un privilège spécial au rang des dieux.

Son extérieur était bien d’ailleurs celui d’un demi-dieu. Incessu patuit... D’une part, on le figure beau et fort comme un dieu. Il était en effet superbe à voir, ce dominateur d’hommes, fort comme un buffle, dans son équipement do guerrier, ceint de la hache et du glaive, portant en main la zukat, qui lui sert d’attribut, ou dans son costume de parade, avec ses armes et sa cuirasse étincelantes, sa blanche tunique serrée au corps et sa tiare ornée de brides riches. D’autre part, on le représente faible comme un homme. Son visage, ainsi que toute son attitude, trahissaient les moindres émotions de son âme, ses joies et ses souffrances. Sujet à maladie, d’ailleurs, comme le dernier des mortels, on le vit, tout couvert de lèpre, traîner un corps délabré vers les îles lointaines, en quête du remède souverain.

Un tel héros se présente à nous, dès l’abord, comme une sorte de tyran, voluptueux et capricieux à la fois, tournant sa puissance au profit do ses passions. Il promène sa fantaisie, d’une allure souveraine, à travers la ville d’Uruk, sur tous ses sujets, hommes et femmes indistinctement, se faisant redouter également des pères, des mères et des maris. Mais ce goût effréné du plaisir n’était point, chez lui, signe de mollesse, mais plutôt d’un excès de force. Aussitôt, en effet, que les dieux, à la prière des habitants d’Uruk, lui ont donné un compagnon d’armes, il se révèle comme un redoutable guerroyeur. Personne ne saurait lui résister : tour à tour, il fait la conquête d’Eabani, l’homme-taureau et triomphe de Humbaba, l’Élamite, du taureau divin, des lions. L’homme voluptueux a disparu, le héros seul reste. La