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divination. Seulement, au jour où Gilgamès, poussé par Samas, entre en expédition contre Humbaba, celui que Bel a préposé à la garde de la forêt de cèdres, ce dieu se retourne contre le héros. Aussi, plus tard, lorsque Gilgamès, de retour de son long voyage, supplie tour à tour Bel et Ea, de ramener des enfers sur la terre Eabani, le dieu Bel, qui lui avait gardé rancune, ne daigne pas seulement répondre, tandis que Ea, qui n’avait pas les mêmes raisons de lui en vouloir, sans toutefois lui accorder sa demande, l’écoute sans doute avec bienveillance. Mais, c’est surtout dans le récit du déluge, que s’accusent la similitude et l’opposition de leurs rôles respectifs. Bel, le conseiller des dieux, le guerrier, est l’ennemi déclaré de l’humanité, qu’il veut exterminer toute entière. Ea, au contraire, le dieu de la sagesse, le héraut, en est le défenseur attitré, en la personne de Samas-napistim, qu’il sauve du déluge, sur un vaisseau, dont il a tracé lui-même le plan. Aussi, Samas-napistim, dans le sacrifice d’action de grâces qu’il offre sur la montagne, après le déluge, convoque-t-il tous les dieux, à l’exception de Bel. De même, voyons-nous Bel, irrité tout d’abord, à la vue du vaisseau échappé au déluge, ensuite calmé, par les discours artificieux d’Ea, bénir Samas-napistim et l’élever au rang des dieux. D’un bout à l’autre du récit, Bel est aux prises avec Ea, la force brutale avec la sagesse rusée, qui finit par triompher.

Le dieu Ea paraît avoir eu son complément dans la déesse Siduri Sabitum [1], la reine de la mer. Préposée à la porte de l’Océan, elle la ferme d’abord, à la vue de Gilgamès qui approche, puis, finit par l’ouvrir sur ses

  1. Siduri Sabitum : IX, VI, 30 ; X, I, 1-2, 9-16, 19-22 ; X, II b, 15-19, 20-31 ; X, V, 30.