Page:Revue des religions, Vol 2, 1892.djvu/125

Cette page n’a pas encore été corrigée

peine : « Autrefois, hélas ! il était loisible à Eabani d’embrasser la femme qu’il aimait, et de battre la femme qu’il détestait ! Oui, il lui était loisible d’embrasser le fils qu’il aimait, et de battre le fils qu’il détestait ! Hélas, hélas ! la terre en rugissant s’est refermée sur lui ! Il est devenu la proie de la sombre, de la noire mère, la déesse Nin-a-zu, la ténébreuse, d’aspect redoutable, avec son visage voilé et sa poitrine de taureau ! Voici que maintenant Eabani est descendu de la terre aux enfers... Il est mort d’une mort lamentable ! Ce n’est point le dieu Namtar qui l’a enlevé, ni un démon qui l’a emporté, la terre l’a pris ! Ce n’est point le ministre de Nergal impitoyable qui l’a ravi, la terre l’a pris ! Si, du moins, il avait été frappé avec les braves sur le champ de bataille, non, la terre l’a pris ! » Si émouvante était la prière de Gilgamès que le dieu Nin-gul en fut touché, et versa des larmes sur Eabani, son serviteur [1].

Sans doute, le dieu Nin-gul était impuissant à donner remède à sa peine, car, aussitôt après, nous voyons Gilgamès se diriger tout seul vers le temple de Bel, et recommencer sa supplication : « Mon père, ô dieu Bel, me voici à tes pieds, brisé, anéanti par la douleur ! Eabani est descendu de la terre aux enfers... Il est mort d’une mort lamentable ! Ce n’est point le dieu Namtar qui l’a enlevé, ni un démon qui l’a emporté, la terre l’a pris ! Ce n’est point le ministre de Nergal impitoyable qui l’a ravi, la terre l’a pris ! Si, du moins, il avait été frappé avec les braves sur le champ de bataille, non, la terre l’a pris ! » Sa supplication, hélas ! demeura encore une fois sans réponse. [2] Alors, affolé, Gilgamès courut vers le dieu Sin, vers

  1. Tab.XII. Col. II, l. 15-27.
  2. Tab. XII. Col. II, l. 28-30 et Col III, l. 1-5.