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ne puisse vaincre. « Depuis que l’on bâtit des maisons, depuis que les frères se querellent et que l’inimitié existe entre les hommes, depuis que le fleuve roule ses eaux et que les oiseaux du ciel regardent le soleil en face, toujours l’homme a été voué à la mort... L’homme a beau prier, rien n’y fait. Ce sont les Anunnaki, les grands dieux et Mammit, la maîtresse du destin, qui fixent le sort de chacun et règlent la vie et la mort. Jamais ils n’ont révélé à personne le jour de son trépas [1]  ? »

Ainsi ces hommes antiques connurent, comme nous, les angoisses de la douleur et de la mort. Ah ! elles furent bien amères, aux premiers jours, les larmes versées par un ami sur un ami, et bien troublante aussi l’image de la mort ! Longtemps, l’humanité, comme écrasée par le mystère des choses, vécut dans une sorte d’oppression morale. Elle traversa d’horribles transes... Plus d’un, sans doute, s’écria avec Gilgamès : « Mon ami, celui que j’aimais tant ; est retourné en poussière. Oh ! je ne veux point mourir comme lui ; je ne veux point le suivre dans sa noire prison. » Plus d’un aussi alla consulter les sages. Mais les sages eux-mêmes étaient embarrassés. Ils n’avaient point de remèdes contre de telles afflictions. Pas même une parole de consolation et d’espoir... Ils se contentaient, comme Samas-napistim, de prêcher la résignation : « La mort est inexorable et surprend chacun à l’improviste. Telle est la volonté des Anunnaki, des grands dieux et de Mammit, la souveraine du destin... » Pauvre humanité ? Comme elle dut souffrir des deuils inconsolés ! Comme elle dut se lamenter en face de la mort, de l’affreuse mort, sans espérance !...


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  1. Tab. X. Col. VI, l. 26-39. On ne saurait rien tirer du second fragment, donné comme appartenant à la col. VI. Cette attribution est, d’ailleurs, fort incertaine.