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autres, hélas !... Car, qui n’as-tu pas aimé et fait souffrir ! Qu’est-il advenu, dis-moi, du maître berger, l’un de tes fidèles adorateurs, qui, sans cesse, faisait fumer de l’encens et égorgeait des victimes en ton honneur. Eh bien, lui non plus, tu ne l’as pas épargné ! Tu l’as métamorphosé en léopard. A présent, ses propres gardiens le pourchassent, ses chiens s’acharnent sur lui et le mordent jusqu’au sang. Qu’est-il advenu, enfin, du jardinier, préposé à la garde du verger de ton père ? Plein d’attentions pour toi, chaque jour, il ornait ta table de présents choisis. Or, ayant levé les yeux sur lui, tu te pris à le convoiter. Tu vins droit à lui, tu lui tins des discours déshonnêtes : « Allons, mon jardinier chéri, goûtons, veux-tu, des fruits de ton verger ; toi, cependant, fais main basse sur nos trésors. » Et le jardinier de te répondre : « Que me demandes-tu là ? Ma mère, ne fais point d’apprêts. Je ne toucherai pas à tes mets empoisonnés, car je le sais, qui les effleure seulement, est, bientôt, en proie à une fièvre mortelle. » Alors, toi, irritée de son refus, tu l’as frappé, tu l’as rendu infirme. Maintenant, cloué sur son lit de repos, il ne peut ni monter, ni descendre, il ne peut plus bouger... Et tu oses encore, après cela, impudente, me faire des propositions ! Tiens, tu m’aimes moi, comme tu as aimé tous les autres, pour me perdre [1] ! »

La déesse Istar, comme bien on le pense, fut médiocrement flattée, de s’entendre dire, tout haut, la longue litanie de ses turpitudes et de ses crimes. Toutefois, comme étourdie du coup, ne s’attendant pas à être ainsi devinée, elle essuya, sans mot dire, la violente sortie de Gilgamès. Mais, dès que le héros eut

  1. Tab. VI, l. 42-79.