Page:Revue des religions, Vol 1, 1892.djvu/433

Cette page n’a pas encore été corrigée

son amour [1]. L’amour d’Istar ! Un pur caprice, la pire des trahisons ! Ah ! elle était déjà longue la liste des victimes qu’elle avait faites ! La déesse Istar, en effet, était une terrible maîtresse, violente et raffinée en ses amours, se plaisant à torturer ceux qu’elle avait séduits. Gilgamès en savait long sur les déportements et les cruautés d’Istar... Outré des propositions de la déesse, il se répandit contre elle en invectives : « Voyons, où sont-ils tous ceux qui furent tes époux ? Attends, que je te révèle, moi, tes perfidies sans nombre ! » Et, là-dessus, Gilgamès se mit à lui reprocher hautement ses goûts de perversité inouïe, à lui énumérer, un à un, tous les sévices qu’elle avait exercés contre ses malheureux amants : « Qu’as-tu fait de Tammuz ? Ton premier amour, il fut aussi ta première victime. Il est vrai que, pour le dédommager, tu fais célébrer son anniversaire en grande pompe. Qu’as-tu fait du bel oiseau, au plumage diapré ? Tu l’as frappé, tu lui as brisé les ailes. L’entends-tu sans cesse gémir au fond des bois : kappi [2] ! Il pleure sur ses ailes, ses pauvres ailes ! Où donc est le lion superbe ? Sept et sept fois, tu lui as labouré les chairs, impitoyablement. Où donc est le cheval, à la fière allure ? Tu lui as mis le mors et la bride, tu l’as pressé de l’éperon, tant, qu’un jour, après avoir fourni une course de quatorze heures, altéré, brûlant de fièvre, il a succombé sous toi. Cruelle, qui as fait verser des larmes à la déesse Silili, sa mère ! Où sont tous les

  1. La première partie du discours de Gilgamès à Istar (tab. VI, l. 24-41) est tellement fragmentaire, qu’on ne saurait en reconstituer, ni le sens, ni la suite naturelle, avec quelque certitude.
  2. Ce mot, qui signifie en assyrien « mes ailes, » est une véritable onomatopée, reproduisant le cri même de l’oiseau, dont il est ici question.