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Poursuivre un ennemi aussi redoutable, à travers des chemins ignorés, s’engager sur ses traces, dans les détours de sa retraite obscure, il y avait là, certes, un beau risque à courir. En dépit de tous les obstacles, Gilgamès et Eabani entrèrent en campagne, résolument... La divinité, toujours secourable, ne les délaissa point dans les périls de la route. Elle eut soin, à maintes reprises, de leur suggérer en rêve, ce qui devait arriver. Aussi, voyons-nous nos deux amis discourir ensemble, chemin faisant, et s’entretenir de leurs songes.

Au début même de l’expédition, Eabani eut un songe, dont il fit part, aussitôt, à Gilgamès. Celui-ci, dans sa sagesse, en augura favorablement, car, s’il comprenait bion, ce songe signifiait la mort prochaine de Humbaba. Il lui semblait entrevoir, comme à travers un voile, le cadavre de son ennemi gisant, là-bas, dans la plaine [1].

Toujours, cependant, Gilgamès et Eabani allaient leur chemin. Après une première étape de quarante heures, ils firent halte un moment, puis, s’étant remis en route, après une nouvelle étape de vingt heures, ils répandirent une libation et creusèrent un puits, a la face du dieu Samas [2].

Or, voici que, dans la nuit, Gilgamès s’éveilla en sursaut, et, s’étant levé, s’en vint trouver Eabani. Il était en proie à un trouble étrange. Les paroles se pressaient sur ses lèvres : « Mon ami, m’as-tu appelé ? m’as-tu touché [3] ? Non ?... Alors, pourquoi cet abattement ?

  1. Tab. IV. Col. (?) b, l. 32-42.
  2. Tab. IV. Col. (?) b. l. 43-46.
  3. V. plus haut, p. 426, note 1.