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Eabani s’était laissé entraîner aux doucereuses paroles de la courtisane sacrée. Mais après l’avoir attiré dans Uruk, il fallait encore savoir l’y retenir. L’amitié dont se lia Gilgamès avec Eabani, avant d’être consolidée eut à subir maintes traverses.

Peut-être, quelque hostilité couvait-elle au cœur d’une divinité jalouse, contre l’alliance de Gilgamès et d’Eabani. En effet, l’un d’eux eut un songe effrayant. Durant son sommeil, il vit tomber du ciel sur terre un monstre, horrible d’aspect, avec des griffes pareilles aux griffes de l’aigle... [1].

Peut-être aussi, dans sa lutte contre Gilgamès avait-il eu le dessous, et, par là, s’était-il senti cruellement blessé, dans sa vanité de barbare [2].

Enfin, soit qu’il fût le jouet des dieux, soit qu’il fût irrité par la défaite, toujours est-il qu’Eabani n’était pas d’humeur facile. Cet homme si voisin de la nature avait des colères de sauvage. Il fallut l’apprivoiser. Un jour, il entra dans un transport si violent que le dieu Samas, lui-même, dut intervenir et lui faire, pour l’apaiser, les plus brillantes promesses. Il garderait Samhatu ; il serait revêtu tout à la fois des insignes royaux et divins ; il aurait un manteau ample ; en Gilgamès il trouverait un ami, un compagnon. Il serait roi : étendu sur un grand lit, sur un lit de repos, à gauche, à la place d’honneur, les rois de la terre viendraient baiser ses pieds. Il serait dieu : la lutte ayant pris fin, les gens d’Uruk, hommes et femmes, lui rendraient leurs hommages... Tout un rêve d’amour et de gloire, projeté sur le splendide décor d’une

  1. Tab. III. Col. III, l. 12-19. Le début de la col. III est très obscur.
  2. V. plus haut p. 315, note 1.