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L’AVEUGLEMENT SCIENTIFIQUE.

immense. Comment s’occuper du plan et de la destinée de la construction, sans songer à l’intelligence et à la volonté de l’architecte, c’est-à-dire du Créateur ? Cette destinée du monde n’élève-t-elle pas naturellement nos esprits jusqu’à la Providence qui non-seulement l’a conçue, mais en a marqué toutes les étapes et assuré l’accomplissement ?

Quel est dans ce plan le rôle de notre liberté ? Quelle influence pouvons-nous exercer sur les décrets de cette Providence ? Quelle peut-être l’efficacité de la prière dans le monde matériel ? Qu’est-ce que miracle ? Les questions se présentent en foule. Sans doute ce n’est pas à la science qu’il appartient d’y répondre, c’est à la philosophie. Mais puisque le savant, tout en restant sur son propre terrain, se trouve pour ainsi dire forcé de les poser, il est clair qu’ici encore il est arrivé à l’un de ces sommets d’où l’œil pénètre au loin dans le pays voisin.

En voici un troisième. Les phénomènes matériels se réduisent tous à des mouvements régis par les lois de la dynamique. Il en est cependant qui ne sont pas exclusivement régis par ces lois. Ainsi, la conscience nous apprend invinciblement, à chaque instant, que dans nos mouvements, dans nos sensations même, il y a quelque chose de libre ; que dans ces phénomènes tout n’est pas déterminé, comme dans ceux que l’on étudie ordinairement en mécanique, par les équations différentielles du mouvement et par l’état initial. Nos actions matérielles ont donc un principe tout différent de ces agents mécaniques et soumis à la nécessité que nous appelons les atomes. Cette exception s’étend-elle à d’autres phénomènes matériels ? Comprend-elle, par exemple, tous ceux que l’on nomme vitaux ? Les animaux, les végétaux ont-ils tous un principe vital distinct de leur organisme ? Ici, on le devine, la philosophie et la science se mêlent presque nécessairement ; car par sa nature, ce principe, s’il existe, appartient à la philosophie et d’autre part, nous ne pouvons le rechercher et l’étudier, que par l’expérience et par l’observation de phénomènes qui appartiennent à la science.