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Pour faciliter les transactions et le commerce, Alfonse, sans interdire les autres monnaies caorsine, raymondine, arnaudine, etc., qui eurent cours simultanément avec les siennes, introduisit l’unité de monnaie avec la base du système tournois, d’après le type même des monnaies royales, jusqu’à ce que saint Louis, ayant réclamé contre l’espèce de contrefaçon de la monnaie, Alfonse, tout en gardant le système du tournois, prit de nouveaux types. M. Boutaric a traité cette partie un peu ardue de son sujet avec grand soin : il établit que c’est bien deux cent dix-sept deniers tournois que l’on taillait dans un marc d’argent fin ; et à l’aide des baux au sujet de la monnaie du Poitou, il fournit de curieux renseignements sur les règles suivies dans la fabrication des espèces.

Outre cette unité de monnaie, Alfonse établit une administration financière régulière. Ici M. Boutaric rejette cette classification arbitraire des feudistes modernes en domaine corporel, incorporel, muable, etc., et, documents en main, il établit le budget complet des États d’Alfonse, budget de recettes et de dépenses. Les recettes ordinaires des sénéchaussées viennent de trois sources différentes : les rachats, ou droits de mutation, payés par les feudataires ; les domaines, ou revenus des terres, moulins, rivières et de cens, qui n’étaient pas toujours le prix du loyer de la terre, mais se produisaient sous vingt formes diverses en signe seulement de vasselage, revenus très-variés, de perception difficile, affermés aux prévôts qui pressuraient leurs administrés pour rendre leurs baux plus productifs ; enfin, la troisième source de recettes était les exploits ou produits de justice, comprenant entre autres les amendes dont la moitié appartenait au comte. Les dépenses des sénéchaussées étaient rangées sous cinq chefs différents : les gages des sergents, châtelains, etc. ; — les aumônes et les fiefs ou pensions accordés à d’anciens officiers ; — les œuvres ou dépenses d’entretien des châteaux et autres édifices, comme ponts et routes ; — les menues dépenses, comme le payement des messagers, l’échange de monnaies ; — enfin les gages des sénéchaux. Cette comptabilité fut à coup sûr imitée de celle du roi de France, et on peut comprendre le haut intérêt des détails donnés sur tous ces points par M. Boutaric. En évaluant en monnaie moderne le produit des recettes nettes prélevées par le comte Alfonse et versées au Temple, on trouve d’après divers comptes que ces revenus ordinaires s’élevaient à trois millions environ[1]. Outre les revenus ordinaires il y en avait d’extraordinaires, aides, double cens, fouage, puis les sommes accordées par le Pape, comprenant, par exemple, le produit des rachats du vœu d’aller en Terre sainte, etc…, et les confiscations sur les juifs et les hérétiques, dont M. Boutaric aurait pu parler dans le même chapitre que celui des autres impôts extraordinaires, sans leur en accorder un spécial.

Les dépenses du comte se divisaient en ordinaires et extraor-

  1. M. Boutaric donne les chiffres exacts.