nouveaux 52, le sagace éditeur du procès de la Pucelle. Me sera-t-il permis de ne pas me ranger non plus à l’avis d’un maître aussi éminent, lorsqu’il assure que l’admiration inspirée par la dame des Armoises contribua beaucoup à raviver le culte et la vénération de Jeanne d’Arc, trop méconnue jusque-là 53 ? Il serait peut-être plus juste de renverser la proposition, et d’affirmer que l’éclat du nom de la Pucelle, qui pour le peuple n’avait pas diminué, rejaillit sur son obscur sosie, lui donna du prestige et lui créa un parti.
La fausse Jeanne eût plutôt porté préjudice à la mémoire de la vraie ; et c’est ce qui arriva en effet, beaucoup plus tard, par suite d’une nouvelle et curieuse confusion. En 1683, la première version de la chronique du doyen de Saint-Thibaud de Metz, dont j’ai parlé en commençant, fut imprimée seule, pour la première fois, dans le Mercure galant. « La publication de ce morceau fit beaucoup de bruit, dit M. Quicherat. Elle donna lieu au paradoxe, plusieurs fois soutenu depuis, que la Pucelle avait échappé au bûcher des Anglais 54. » Le public, ne connaissant pas le second récit rédigé par le chroniqueur pour rectifier sa méprise, la partagea quelque temps avec autant d’empressement que les contemporains de la dame des Armoises. La chose semblait d’autant plus naturelle, qu’il existait notoirement, en Lorraine, de prétendus descendants de Jeanne d’Arc, affirmant leur illustre origine, l’appuyant même sur un contrat de mariage authentique 55 : autant de preuves concordantes (c’est ainsi qu’on écrit l’histoire). La couronne du martyre tomba donc de la tête de la Pucelle, et avec elle une large part de l’auréole qui l’entourait. C’est alors que son culte et sa vénération s’amoindrirent ; nous en rencontrons des preuves trop certaines dans le cours du XVIII° siècle, déjà si disposé à l’incrédulité envers toutes les grandes merveilles de notre histoire. Bientôt la figure de l’héroïne fut assez environnée d’ombres pour que Voltaire pût concevoir son infâme roman et trouver des lecteurs : résultat