contemporain raconte que la Pucelle de France aurait écrit au roi de Castille, don Enrique IV, pour le prier d’envoyer à Charles VII, conformément à l’alliance qui les unissait, un secours naval. Elle lui aurait même dépêché des ambassadeurs en attendant ceux du roi, et par eux aurait obtenu le départ immédiat de vingt-cinq navires et cinq caravelles, chargées, par les soins du connétable Alvaro de Luna, des troupes les plus aguerries. Avec ce renfort, Jeanne se serait rendue maîtresse du port et de la ville, et aurait même remporté d’autres victoires des plus glorieuses pour l’armée castillane, « como par la coronica de la Poncela se podra bien ver 37. » Quelle est cette chronique ? Personne ne l’a retrouvée, et aucun témoignage ne vient se joindre à celui de l’historien d’Alvaro de Luna, bien qu’il affirme que son héros montrait comme une relique la lettre de la prétendue Pucelle. Sans rejeter complétement son récit, il faut au moins, comme le pense M. Quicherat 38, le rapporter à une autre ville. La Rochelle ne paraît pas avoir échappé, à cette époque, à la domination française. En 1429, Charles VII annonçait à ses habitante la délivrance d’Orléans, et ils en accueillaient la nouvelle avec de solennelles démonstrations de joie 39. Un peu auparavant, le malheureux prince dépossédé projetait d’aller leur demander asile 40. Bien plus, l’année même que l’écrivain espagnol désigne comme la date de l’ambassade reçue par don Enrique (1436), Marguerite d’Écosse, fiancée du Dauphin, débarquait dans leur port. Il est vrai que des croiseurs anglais la poursuivirent, et que l’entrée de la rade leur fut fermée à temps par des auxiliaires castillans. Peut-être ce fait dénaturé servit-il de thème à l’anecdote qui nous occupe. Mais, en tout cas, Jeanne des Armoises n’a pu y jouer aucun rôle, puisqu’à ce moment elle commençait à peine à se faire connaître et se trouvait, comme on l’a vu plus haut, en Lorraine ou dans le duché de Luxembourg. Ou il s’agit d’une démarche ignorée, tentée à une époque antérieure par la vraie Pucelle (qui envoyait volontiers des missives analogues), ou, s’il est réellement question de la fausse, son action
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