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sur les lieux, au moment même des événements. Il est vrai qu’il a cru à la prétendue Pucelle, et qu’ensuite il a rectifié ou que l’on a rectifié pour lui son erreur ; mais sa dernière version ne modifie en rien le rôle des frères de Jeanne, et ce rôle, du reste, va se trouver confirmé tout à l’heure, en ce qui concerne le plus jeune d’entre eux, par des actes officiels, des comptes municipaux.

A la fin de mai, la fausse Jeanne se rend à Marville ou Mairville 6, où elle passe environ trois semaines chez « un bon homme appelé Jehan Cugnot. » Les habitants de Metz s’y portent en foule pour la voir, et sont mystifiés comme les autres. Un seigneur de la contrée lui offre encore un cheval. Puis elle s’en va en pèlerinage à Notre-Dame-de-Liesse, et de là gagne la ville d’Arlon, au duché de Luxembourg. Sa renommée l’avait précédée dans ce pays. La duchesse de Luxembourg, Elisabeth de Gorlitz, l’accueille avec joie et ne veut plus la quitter. Le jeune comte de Wurtemberg, Ulrich, s’enthousiasme d’elle, se constitue son protecteur, lui fait faire une magnifique cuirasse et la conduit à Cologne.

Ici, un témoin oculaire nous apporte l’appui de sa parole. Son opinion, consignée dès l’année suivante dans le Formicarium de Jean Nider, qui l’avait recueillie de sa bouche 7, est beaucoup moins favorable à l’audacieuse fille. C’est que ce personnage, nommé Henri Kaltyser ou Kalt-Eysen, était un professeur émérite de théologie, un inquisiteur clairvoyant, habitué à démêler les impostures et les jongleries 8. Il ne crut pas un moment à celle-ci ; et d’ailleurs Jeanne, étourdie par ses premiers succès, entraînée par la société des chevaliers et des gens d’armes, commençait à négliger son rôle. On la rencontrait, dit l’auteur en question, dansant librement avec des hommes, mangeant et buvant plus