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Boniface VIII, mais qu’il dut accepter la sixième condition, tenue d’abord secrète par le roi, c’est-à-dire la condamnation des Templiers. Celle condamnation, il fallut la lui arracher : c’est du moins ce que semble indiquer l’ensemble des documents que nous possédons.

Or les concessions faites par Clément V au roi de France sont tellement considérables, le roi mit une telle âpreté à les obtenir ou plutôt à les arracher, que tout d’abord on ne peut expliquer la condescendance, pour ne pas dire la faiblesse du Souverain Pontife que par la raison qu’il avait contracté de grandes obligations vis-à-vis de Philippe le Bel. L’abolition du Temple tend à corroborer cette opinion. La culpabilité des Templiers n’est pas, ainsi que je le disais plus haut, encore démontrée. Qu’il y ait eu des membres gangrenés, c’est évident ; mais peut-on faire retomber sur l’ordre entier les vices et les hérésies que l’on reprochait à quelques-uns ? Les interrogatoires publiés ou inédits laissent des doutes, et cependant ils ont été condamnés par le Pape au Concile de Vienne. Pour certains, la condamnation de l’Ordre par le Saint-Siège est une preuve qu’il était coupable ; d’autres, au contraire, croient que cet acte rigoureux a été imposé au Souverain Pontife par le roi de France, qui voulait s’enrichir avec les biens immenses du Temple.

C’est une grave question que nous allons examiner, non pas en consultant les chroniques, mais à l’aide de documents officiels, surtout avec la correspondance intime de Clément V et de Philippe le Bel. Une partie de cette correspondance a été publiée par Baluze dans le tome II de son ouvrage intitulé : Vitæ Paparum Avenionensium[1]. Ce savant dit avoir tiré ces lettres du Trésor des Chartes, ex Archivio regio Parisiensi, sans autre indication. Nous avons été assez heureux pour retrouver à la Bibliothèque nationale le manuscrit qui a servi à Baluze et dont la place est marquée parmi les autres registres du Trésor des Chartes aux archives de France. Dupuy, qui en a donné des extraits dans ses Traités concernant l’histoire de France, sçavoir la condamnation des Templiers, etc., le cite sous le nom de registre D ; son véritable titre est registre XXIX du Trésor des Chartes. Acheté par la Bibliothèque royale vers 1835, il fut d’a-

  1. Vitæ Paparum Avenionensium. Paris, 1693, 2 vol. in-4o. Dans le premier volume Baluze a réuni les vies originales des Papes ; dans le second, les actes qui servent de pièces justificatives.