Page:Revue des questions historiques, Tome X, 1871.djvu/302

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par être vaincue. Il y a là des mystères à éclaircir, d’autant plus que la tradition historique, s’appuyant sur des bruits contemporains, présente Clément V comme forcé d’obéir à Philippe le Bel en vertu d’un traité secret ; c’est donc, à proprement parler, l’histoire des rapports de Philippe le Bel avec Clément V au sujet des Templiers, que nous nous proposons de retracer, à l’aide de documents inédits, ou interprétés autrement qu’on ne l’a fait jusqu’à ce jour.

Ce récit sera souvent douloureux, et le lecteur sera plus d’une fois attristé par le spectacle de la pression implacable que le petit-fils de saint Louis cherchait à exercer sur le Souverain Pontife : peut-être souhaitera-t-il plus de fermeté de la part du successeur de saint Pierre ; mais il devra faire la part des circonstances. En tout état de cause, nous pensons que cette étude minutieuse des faits, appliquée à une époque où la papauté exilée de Rome était venue chercher un asile de ce côté des Alpes, sera instructive, et fera voir que l’indépendance du Saint-Siège est une condition nécessaire du libre exercice du pouvoir spirituel, et que, lorsque cette indépendance a fait défaut, la papauté a eu à lutter contre des exigences ou des influences que son devoir lui commandait de repousser, mais que sa faiblesse la forçait quelquefois de subir.

Clément V fut, en effet, le premier Pape d’Avignon. Dès le milieu du XIIIe siècle, le séjour de Rome était devenu presque impossible, par suite des querelles des Guelfes et des Gibelins. L’aristocratie romaine, partagée en deux camps, dominait dans la ville éternelle : Pérouse était devenue le séjour habituel des Papes. Boniface VIII avait dû se retirer à Anagni, sa ville natale, dans l’espérance d’échapper aux violences de Philippe le Bel, qui surent l’y atteindre. Ce fut à Pérouse que se tint le conclave réuni pour donner un successeur à Benoit XI qui, en 1304, avait remplacé Boniface VIII.

Mais bien que tourmentée, la papauté était, sauf des cas tout à fait exceptionnels, soit à Rome, soit à Pérouse, soit dans une autre ville italienne, à l’abri de pressions extérieures. Il n’en fut pas de même quand elle se fut retirée à Avignon. Une ancienne légende veut que ce soit sur les ordres de Philippe le Bel que Clément V ait transporté, hors d’Italie, le siège du souverain Pontificat, et voici comment.

Jusqu’à nos jours, on a accepté le récit du chroniqueur ita-