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LE DANGER DES MAUVAISES LECTURES 859

des professeurs d’Université, qui en arrivent assez vite à penser comme leur journal, et le cas échéant, à perdre la foi sous l’influence d’une feuille contre laquelle tout semblait devoir les défendre.

C’est que la foi, chez les adultes cultivés comme chez les âmes pieuses, les jeunes filles, les femmes d’œuvres et en général les primaires, est un bien facilement amissible.

Écoutons sur ce sujet le très regretté Père de Grandmaison. Voici ce qu’il écrivait dans un article publié dans les Études (20 août 1924, pp. 405-407) sur « la crise de la foi chez les jeunes » :

Ce que Saint Paul dit de la connaissance du Christ Jésus, qui nous le révèle comme le Fils éternel de Dieu : « Nous possédons ce trésor dans des vases d’argile (II Cor., IV, 7) », est vrai également de la foi en général. Le vaisseau est frêle qui contient la divine liqueur, et c’est une imprudence de l’exposer sans précaution à tous les chocs…

« Il n’y a pas de mauvais livres, mais seulement de mauvais lecteurs… La foi n’a rien à craindre, si elle est de bon aloi, de la contradiction… Une religion s’avoue vaincue qui recourt, comme moyen de défense, à la fuite… » : autant de sophismes ou, si l’on veut, de demi-vérités, qui sont devenus des lieux communs de conversation. On ne prend plus la peine de les motiver, et s’inscrire en faux contre eux, classe un homme parmi les têtes faibles, sinon parmi les bigots… Certes, s’il est de mauvais lecteurs et d’excellents, si les adages scripturaire et scolastique restent vrais (Omnia sancta sanctis ; quidquid recipitur ad modum recipientis recipitur), il faut reconnaître qu’il existe aussi de mauvais livres, voire de mauvais auteurs, des écrivains dont l’œuvre, prise d’ensemble, est une prédication d’immoralisme, d’ironie desséchante, de scepticisme et de libertinage…

Ce danger est réel aussi pour les mœurs

Si nulle classe de la société n’est à l’abri de l’influence intellectuelle des livres, il n’en est point non plus qui échappe à leurs dangers moraux.

Nous l’accordons, la culture défend, dans une certaine mesure, certains hommes contre certains dangers. « L’élargissement de l’horizon intellectuel, a écrit M. Fouillée, dans Le Tempérament et le caractère (p. 140), produit à la fin sur les passions le même effet calmant