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LE DANGER DES MAUVAISES LECTURES 855

c’est « vouloir séparer les droits particuliers de la conscience et les lois générales de la connaissance » ; c’est admettre que les catholiques non primaires échappent à la loi morale catholique dans la conduite de leurs lectures, c’est à dire de leur imagination, de leurs sens et de leur pensée ; c’est rejeter ou du moins dénaturer la doctrine de l’Église sur le sujet…

Mais donnons la parole au savant théologien qui a rédigé l’article « Index » dans le Dictionnaire d’apologétique (tome II, colonne 706). Voici ce qu’il enseigne :

Si un chrétien a tout à craindre de la fréquentation d’hommes impies ou libertins, si « les mauvais discours corrompent les bonnes mœurs » (I Cor., XV, 33), ainsi en est-il, à plus forte raison, de la lecture d’écrits dans lesquels l’incrédulité et l’hérésie ont répandu leur venin, que l’immoralité a souillés de ses tableaux dangereux ou effrontément lubriques.

On a dit souvent qu’un livre est le compagnon le plus assidu, l’ami le plus fidèle. Il est également exact de dire que c’est un maître ou un prêcheur déguisé, aussi opiniâtre qu’habile et insinuant : c’est le conseiller dont la voix, écoutée avec le moins de défiance, pénètre le plus sûrement dans l’intelligence et dans le cœur. Insensiblement, sans heurter beaucoup nos idées ni froisser nécessairement nos sympathies, sans susciter du moins aucune des objections que l’amour-propre, à défaut de la raison, ne manquerait pas d’opposer aux propos d’un interlocuteur vivant, le livre, grâce à son impersonnalité même, fait son œuvre ; il verse ses pensées et ses sentiments dans l’âme du lecteur, il les y grave d’autant plus profondément que celui qui les reçoit ne soupçonne pas qu’ils lui viennent du dehors et croit s’être formé à lui-même sa conviction, son inclination ou son aversion à l’endroit des personnes et des doctrines.

Il n’est point, peut-être, de puissance de suggestion qui soit comparable à celle de la lecture, parce qu’il n’en est point qui se rapproche autant de l’autosuggestion. Tel est le secret de l’influence délétère de tant de publications contemporaines, telle la cause des ravages effrayants de la presse irréligieuse et licencieuse.

Telle est la doctrine catholique[1], Admise et professée

  1. Toute la critique régnante, ou à peu près, professe, à cet égard, une opinion contraire : elle élimine de ses attendus tout ce qui concerne l’enseignement de la théologie catholique, les règles même du droit naturel, les exigences des âmes et la vie de la grâce.

    Le mal qui en résulte pour la religion et pour les mœurs est