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LE DANGER DES MAUVAISES LECTURES 853

vres, les âmes pieuses, bref toute cette catégorie de personnes qui vivent « loin de la vie » et que M. Lesourd appelle ; avec dédain des « primaires. » Qu’on astreigne ces personnes aux disciplines « étroites et sévères » d’un prêtre, il le faut : Karl Marx déjà considérait la religion comme l’opium du peuple et Renan comme une imposture nécessaire.

Quant aux autres, c’est à dire les « adultes » par l’intelligence et par l’âge, ils ne sont pas soumis à cette « critique spéciale » propre à « un public très spécial » ; ils peuvent se permettre « tous les genres, toutes les formes, toutes les initiatives si hardies qu’elles puissent parfois paraître » ; ils peuvent, en somme, tout écrire et tout lire même « certaines scènes » ; ils ressortissent à « la grande critique catholique. »

Au fond, la pensée de l’auteur est que les « adultes » dont il parle et dont il est, ceux qui ne sont pas « primaires » ne courent aucun danger dans la lecture des mauvais livres.

Or, rien n’est plus faux. Et nous allons tâcher de le montrer.

Le danger des mauvaises lectures
est essentiellement variable

Assurément — et ceci n’est pas une concession, mais une vérité que nous avons toujours soutenue et très souvent exposée — tous les lisants ne courent pas les mêmes dangers. Bien plus, comme la lecture de certains livres est interdite à cause des dangers qu’elle présente et de l’occasion prochaine de pécher qu’elle renferme, toute la question des lectures est conditionnée par un élément de relativité.

Il y a mauvais livre et mauvaise lecture ; il y a mauvais livres et mauvais livres ; il y a, d’autre part, les livres mauvais en soi, et d’autre part, les livres mauvais par rapport à tel ou tel lecteur. Les uns et les autres doivent être pratiquement jugés d’après le danger.

Le danger lui-même des lectures est essentiellement relatif. Il varie selon l’âge, le tempérament, le caractère, l’état d’esprit, le milieu, l’éducation, les habitudes prises, le degré de culture et d’immunisation.