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permis de l’adopter pour vos enfants, ou bien êtes-vous obligés d’en choisir une autre qui soit chrétienne ?

Nous répondons d’abord que c’est un devoir rigoureux, partout où il existe une école chrétienne, d’y envoyer vos enfants, à moins qu’un grave dommage ne doive en résulter pour eux ou pour vous.

Nous répondons, en second lieu, que l’Église défend de fréquenter l’école neutre, à cause des périls que la foi et la vertu des enfants y rencontrent. C’est là une règle essentielle, qu’on ne doit jamais oublier. Il se présente néanmoins des circonstances où, sans ébranler ce principe fondamental, il est permis d’en tempérer l’application. L’Église tolère qu’on fréquente l’école neutre quand il y a des motifs sérieux de le faire. Mais on ne peut profiter de cette tolérance qu’à deux conditions : il faut que rien dans cette école ne puisse porter atteinte à la conscience de l’enfant ; il faut, en outre, que les parents et les prêtres suppléent, en dehors des classes, à l’instruction et à la formation religieuse que les élèves n’y peuvent recevoir.

Quelle est la force obligatoire de ces règles de conduite, qui s’appliquent aux institutions où l’on donne l’enseignement secondaire, aussi bien qu’aux écoles primaires ? Les instructions pontificales déclarent qu’elles obligent, sous peine de faute grave, et qu’il ne serait pas permis d’absoudre, au tribunal de la pénitence, les parents qui, avertis de leur devoir, négligeraient de le remplir.

À l’heure actuelle, personne ne peut le nier, un grand nombre d’écoles, soi-disant neutres, ont perdu ce caractère. Les instituteurs qui les dirigent ne se font pas scrupule d’outrager la foi de leurs élèves, et ils commettent cet inqualifiable abus de confiance, soit par les livres classiques, soit par l’enseignement oral, soit par mille autres industries que leur impiété leur suggère. Pratiquer ainsi la neutralité, c’est se mettre en contradiction flagrante avec le principal promoteur de l’école neutre, lequel, pour faire accepter sa loi néfaste, disait à la tribune française : « Si un instituteur public s’oubliait assez pour instituer dans son école un enseignement hostile, outrageant contre les croyances religieuses de n’importe qui, il serait aussi sévèrement et aussi rapidement réprimé que s’il avait commis cet autre méfait de battre ses élèves ou de se livrer contre leur personne à des sévices coupables » [1]. Il est aujourd’hui de notoriété publique que ces solennelles promesses sont étrangement méconnues en beaucoup d’écoles, où les maîtres, au lieu de respecter les convictions chrétiennes des familles, semblent n’avoir d’autre but que de faire de leurs élèves des libres-penseurs.

Devant ce travail impie, nous nous sentons obligés par notre conscience épiscopale de vous rappeler le non licet de l’Évangile. Non, il ne vous est pas permis de choisir pour vos enfants une école, de quelque ordre qu’elle soit, où ils seraient élevés dans le mépris des enseignements, des préceptes et des pratiques de notre sainte religion ; en le faisant, vous coopéreriez à l’œuvre la plus funeste, et cette complicité, gravement coupable, vous rendrait indignes des sacrements de l’Église.

  1. Discours de M. Jules Ferry au Sénat, 16 Mars 1882, Journal Officiel du 17 Mars, page 227