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pour me distraire ; on me le défend de crainte de provoquer la fièvre…

Et, comme désireux de détourner l’entretien :

— Vous en pondez toujours ! dit-il élevant le volume au bout des doigts.

— Comme vous, cher ami ! Quand le pli est pris…

— Oh ! moi, on ne m’encourage guère… Voilà que les jeunes se retournent contre moi ! S’ils ne faisaient que se moquer, mais on m’insulte, on me couvre d’outrages…

— C’est la gloire !

— Ah ! la gloire…

Et la pensée envolée en une rêverie :

— Si je n’avais mis ma consolation que là…

La phrase restée en suspens s’acheva en moi-même : je compris que le croyant, l’auteur de la Bonne Souffrance, ayant atteint le port de la résignation chrétienne, se trouvait désormais à l’abri de toutes les misères humaines.

Un duel manqué

Je reçus, un jour, un petit mot de Mendès me donnant rendez-vous l’après-midi au café de Madrid, pour une affaire d’importance. Je m’empressai de m’y rendre.

Il était assis près de l’entrée, à une table joignant la cloison vitrée, d’où il embrassait toute la largeur du boulevard. Il me demanda dès l’abord :

— Connaissez-vous Hector de Callias ?

— Je le connais pour l’avoir vu, je ne crois pas lui avoir parlé.

— Bon ! et Mme de Callias[1] ?

— J’ai été présenté à cette dame, mais je ne fréquente pas chez elle.

— Vous n’êtes donc engagé en rien avec l’un ni avec l’autre. Je le supposais ; c’est pourquoi j’ai songé à vous ; la plupart de mes amis sont de leurs relations intimes.

Et il me conta l’altercation que la veille, au théâtre, il avait

  1. [Note RDM]. Nina de Villard, qui avait épousé en 1864 Hector de Callias, journaliste et homme de lettres, divorça dans la suite. Elle posa pour la Femme aux éventails de Manet. Dans son salon de la rue Chaptal fréquentaient Villiers de L’Isle-Adam, Charles Cros, Catulle Mendès, Jean Richepin, Anatole France, etc.