— On attend maintenant un grand drame en cinq actes. Succès oblige !
— Je le voudrais bien ! s’écria-t-il. Cinq actes, c’est énorme, et je n’ai pas l’invention très abondante. Je me suis adjoint quelqu’un, nous y travaillons.
Il parlait de cette Guerre de Cent ans, écrite en collaboration avec Armand d’Artois, qui ne parut que bien plus tard et ne fut jamais jouée, je crois.
Devenu célèbre, Coppée recevait le dimanche matin dans son logis de la rue Oudinot. Tout le monde a connu, au fond de la cour silencieuse, le petit perron de trois marches ; un vestibule à traverser, la salle à manger où l’on saluait Mlle Annette Coppée, l’ange tutélaire du foyer (car il fallait montrer patte blanche), et l’on accédait dans le sanctuaire tapissé de livres, de quelques bibelots d’art, et dont la large baie vitrée s’ouvrait sur un parterre amoureusement entretenu. Les vieux amis y venaient en nombre ; la jeune poésie, les disciples du maître, connaissaient bien sa porte, et l’infortune ne l’ignorait point qui n’y frappait jamais en vain. Celui qui avait subi les plus dures épreuves eut toujours la main largement ouverte. Souvent, pendant que nous étions là, sa sœur Annette, passant discrètement, tendait une carte, lui glissait un nom à l’oreille : « Oui ! c’est bien… », disait-il.
— Il vient souvent, ne put-elle s’empêcher de murmurer un jour.
— Eh bien ! c’est qu’il a souvent besoin… Ce n’est pas sa faute.
Et dans le sourire au pli tombé se lisait l’amère expérience de la vie.
Je le vis pour la dernière fois en allant lui porter un de mes livres. Il était malade, il ne recevait pas ; il avait, quelques jours avant et pour la seconde fois, subi une douloureuse opération. Je m’éloignais tristement quand on me rappela. Sur la vue de mon nom, il avait désiré me voir.
Je le trouvai étendu sur son lit, tout habillé, sans que sa physionomie fût beaucoup altérée, me tendant la main et souriant de son bon sourire accoutumé. Comme je lui demandais s’il souffrait :
— Je souffre surtout d’appréhension, me dit-il ; on ne sait jamais les suites… Je voudrais bien recevoir mes amis