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mais comportant un vaste salon, où une main féminine avait su mettre quelque élégance et où, une fois la semaine, se réunissait une élite. Un peu de mondanité, mais discrète et choisie, s’alliait à présent au premier et tout littéraire élément. Les belles dames n’étaient point rares : Mmes de Bonnières, Houssaye, de Heredia, Pozzi, Psichari, de Nolhac, Tola Dorian, Béer, et la « belle Mme Gauthereau » dans tout l’éclat et la gloire de son triomphe ; sans oublier la colonie roumaine, d’éducation française, comme on sait : Mme de Linche, la princesse Bibesco, Mlles Vacaresco, Benjesco, etc. Les habitués des anciens jours s’y voyaient pour la plupart ; mais des visages nouveaux apparaissaient, changeant et se succédant d’un samedi à l’autre, toute la jeune génération qui grandissait et chassait la nôtre.

=== François Coppée === Au fond d’une cour de la rue Royale, au rez-de-chaussée, j’entrevois, à travers un épais brouillard de cigares et de cigarettes, des ombres vagues qui s’agitent et qui pérorent. Le local est exigu et sans grand luxe. Nous sommes dans le pied-à-terre où l’heureux Mendès est venu s’installer avec sa jeune femme, Judith Gautier. Comme il est le plus beau des hommes, un Apollon rayonnant à la chevelure et à la lyre d’or, il a, — ce qui ne se voit pas tous les jours, — épousé la plus belle et la plus finement et héréditairement douée de tous les dons artistiques. Tout ce monde est jeune, gesticulant et bruyant, et ressemble assez à de grands collégiens en vacances et qui fument.

Il y a là un prédestiné, et qui ne s’en doute pas ; ses jeunes confrères encore moins. Il a déjà publié deux volumes, le Reliquaire, les Intimités, que les connaisseurs ont goûtés, dont ne s’est guère ému le grand public. Toutefois, on l’entoure, on l’écoute, on envie son bonheur : il a une pièce reçue à l’Odéon, qu’on répète, qui sera jouée prochainement !

On sait ce que fut cette triomphante soirée du Passant, qui lança Coppée en pleine gloire. Nous étions tous là, le clan des jeunes poètes, tous les édités de Lemerre, soulignant d’un tonnerre d’applaudissements chaque couplet de Zanetto (