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s’enferrait. Amené sur le pont, les matelots l’assommaient à grands coups de hache et le dépeçaient, et c’était merveille ce que contenaient les entrailles de la vorace bête : des vieilles bouteilles, de vieilles savates, de vieux pots dé pommade et d’onguent, etc.

Dans une escale à Saint-Louis, il avait visité un grand entrepôt d’animaux féroces rassemblés là pour un commerce d’exportation. En dehors des lions et des éléphants, ce qui l’avait le plus frappé, c’étaient d’énormes ours au long pelage et comme empaquetés de vieux tapis ; leur nourriture était déposée dans une cage à deux ou trois mètres du sol où, d’un seul bond, d’un jet élastique, les lourdes bêtes s’élançaient. Et, pour peindre la chose, il avait encore un geste, frappant des deux mains ses genoux et les élevant brusquement en l’air. Plus tard, à Paris, cherchant à se redonner ces spectacles de la grandiose et brutale nature, il fréquentait assidûment le Jardin des Plantes. Il parlait, non sans horreur, du repas d’un vautour, dont un angora, — quelque hôte des environs égaré là et capturé par un gardien, — avait fait les frais. À peine lâché dans la cage, le pauvre chat s’était blotti peureusement dans un coin. Alors, lentement, avec un grand bruit de plumes froissées, le gros Carnivore se laissait choir comme une masse du tronc fourchu qui lui servait de perchoir, et, posant l’une des pattes sur sa victime, d’un seul coup de ses ongles aigus lui ouvrait le ventre et mettait ses tripes au vent.

Et de toute cette ménagerie quelque chose encore est passé dans les vers de Leconte de Lisle.

Ses années d’étudiant à Rennes avaient leur tour. Il racontait une longue course aux environs avec ses jeunes amis, où l’on avait déjeuné dans un village chez un boulanger aubergiste. La journée était chaude, il était altéré, il ne s’était pas défié d’un petit cidre capiteux, si bien qu’après le repas il s’était profondément endormi. Quand il s’éveilla dans les plus noires ténèbres, son front heurta une voûte ; à droite, à gauche, de toutes parts des murs. Un caveau funéraire ! Un ensevelissement vivant ! L’idée terrible le traversa et il se mit à se débattre en poussant des hurlements. Enfin, la porte du four s’ouvrit, et il aperçut ses compagnons riant et s’applaudissant de la bonne farce. Il l’avait trouvée moins bonne qu’eux.