que vous lui pardonnez… et le malheureux se tordait de douleur…
Alfred, toujours impassible, détourna la tête…
— Oh ! reprit Georges en suppliant, répondez-moi… un seul mot… mais répondez donc ; vous ne voyez pas que votre silence me torture le cœur… me tue…
— Je ne puis rien y faire, répondit enfin Alfred d’un ton glacé.
Le mulâtre essuya ses pleurs, et se releva de toute sa hauteur.
— Maître, continua-t-il d’une voix creuse, vous souvenez-vous de ce que vous me disiez, quand je me tordais sur mon lit d’agonie.
— Non…
— Eh bien ! moi je m’en souviens… le maître dit à l’esclave : tu m’as sauvé la vie, que veux-tu pour récompense ? veux-tu ta liberté… ? maître, répondit l’esclave, je ne puis être libre, quand mon fils et ma femme sont esclaves. Alors le maître reprit : si jamais tu me pries, je jure que tes vœux seront exaucés ; et l’esclave ne pria point, car il était heureux d’avoir sauvé la vie à son maître… mais aujourd’hui qu’il sait que dans dix-huit heures sa femme ne vivra plus, il court se jeter à vos pieds, et vous crier : maître, au nom de Dieu, sauvez ma femme. Et le mulâtre, les mains jointes, le regard suppliant, se remit à genoux et pleura des flots de larmes…
Alfred détourna la tête…
— Maître… maître… par pitié répondez-moi… oh ! dites que vous voulez qu’elle vive… au nom de Dieu… de votre mère… grâce… miséricorde… et le mulâtre baisait la poussière de ses pieds.
Alfred garda le silence.
— Mais parlez au moins à ce pauvre homme qui vous supplie, reprit-il en sanglotant.
Alfred ne répondit rien.
— Mon Dieu… mon Dieu ! que je suis malheureux… et il se roulait sur le plancher, et s’arrachait les cheveux de désespoir.
Enfin Alfred se décida à parler :
— Je vous ai déjà dit que ce n’était plus à moi à pardonner.
— Maître, murmura Georges toujours en pleurant, elle sera probablement condamnée ; car vous et moi, seuls, savons qu’elle est innocente.