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PASSERAUX ÉMIGRANS.
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Ils ont passé, ces voyageurs
Venus de si lointaine terre ;
Ils vont chercher, joyeux glaneurs,
Les moissons d’un autre hémisphère.

Quel ange au-dessus de la mer
Guidait leurs phalanges unies ?
Quelle main soutenait dans l’air,
Si haut, leurs ailes affaiblies ?

Et pourquoi donc le peuple, au lieu de vous bénir,
Vous qui volez si loin pour vous en revenir,
Veut-il incessamment pressentir un orage ?
Quoi ! vous, dire du ciel le sinistre présage !
Vous, gentils Passereaux, Ithuriels des bois
Dont nulle harpe encor n’ait égalé la voix !
Ah ! peut-être croit-il que Dieu vous fait la Vie
Comme lui se la fait : d’orage et d’insomnie
C’est qu’il ignore hélas ! ce que votre chanson
Peut verser d’harmonie, au soir, dans le vallon,
Ce qu’une aile d’oiseau peut avoir de caresse,
Ce que peut votre cœur contenir de tendresse !…

Pour moi, qu’importe enfin où Dieu vous mène tous ?
Je chante et vous bénis quand vous passez sur nous !

I. Nau.


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MŒURS COLONIALES.
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ESQUISSES.

LE MULÂTRE.

I.

Les premiers rayons de l’aurore blanchissaient à peine la cime noire des montagnes, quand je partis du Cap pour me rendre à Saint Marc, petite ville de St-Domingue, aujourd’hui la république d’Haïti. J’avais tant vu de belles campagnes, de forêts hautes et profondes, qu’en vérité je me croyais blasé de ces beautés mâles de la création. Mais, à l’aspect de cette