Page:Revue des Romans (1839).djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jusqu’à trois dans sa vie, dont le cœur aimant enfin a suivi assez bien les révolutions inclinées et l’orbite élargi du talent de Lamartine, des premières Méditations jusqu’à la Chute d’un ange. Les trois amoureux successifs, le commandant Garnier, Mornac, et le jeune Boisgontier, sont des personnages d’aujourd’hui du dernier vrai, saisis dans leur relief, et assemblés, contrastés entre eux dans des situations habiles, où le pathétique d’un moment cède vite au comique et à l’ironie. M. de Pomenars, le vieil oncle si fringant, et qui est le malin génie de l’aventure, semble avoir soufflé son esprit au romancier et tenir la plume en ricanant ; ou plutôt, personne ne tient la plume ; chaque personnage agit, se comporte, parle comme il doit, et si l’auteur se montre, ce n’est que pour les aider encore mieux à ressortir.

GERFAUT, 2 vol. in-8, 1838. — La jeune et belle baronne de Bergenheim habite avec son mari un ancien château, bâti dans une situation délicieuse. Parmi les habitués des salons de Paris dont elle faisait les délices, elle a distingué le vicomte de Gerfaut, amoureux égoïste, qui, un beau jour, vient la surprendre dans sa solitude. À cette rencontre, la jeune femme est troublée, car le vicomte a laissé dans son cœur de dangereux souvenirs ; elle commence toutefois par se fâcher ; puis après elle supplie qu’on la laisse en repos, et commande avec dignité qu’on s’éloigne pour ne plus revenir. Gerfaut, trop habile pour ne pas voir qu’il lui est permis d’espérer, reste et parvient même à devenir l’hôte du baron de Bergenheim. Bientôt Clémence découvre que le vicomte a fait sur son cœur une vive impression ; elle l’aime, mais, chaste et pure, elle combat avec une résistance héroïque la passion qui la brûle. Gerfaut flatte le mari, chasse avec lui, et a toujours l’adresse de quitter la chasse pour aller retrouver Clémence. Mais le baron de Bergenheim, averti enfin par un homme affreux, apprend l’intelligence des deux amants, trouve les lettres d’amour dont la lecture est encore le seul crime de Clémence, qu’il croit coupable, qu’il veut surprendre et punir. Il suppose un voyage à la ville où il doit rester quelques jours. Sa femme, épouvantée de ce départ, dont son cœur lui révèle les dangers, l’engage à rester le moins longtemps possible. La nuit du départ du baron, Gerfaut s’introduit dans l’appartement de Clémence, qu’il trouve assise sur un divan ; d’abord elle est épouvantée ; mais le bonheur de voir, d’entendre celui qu’elle aime, calme bientôt son effroi, et si elle tremble encore, c’est de ravissement et d’amour ! Déjà elle s’abandonnait aux caresses perfidement innocentes de son amant, lorsque la mousseline d’une porte vitrée s’agite doucement. Clémence est perdue ! Le baron entre avec la majesté de l’homme outragé ; sans même jeter les yeux sur son épouse évanouie, sans