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de théâtre, s’y trouve aussi enregistrée soigneusement, et c’est en quoi ils se distinguent des mémoires qui les ont précédés ; mais ce qui en assurera le succès, c’est la profusion d’anecdotes dont ils sont parsemés. L’anecdote est partout ; on la trouve dans le boudoir, dans la salle à manger, dans les coulisses, dans le carrefour, au sein de l’assemblée constituante, et ce n’est pas là qu’elle est la moins piquante.

RODOLPHE, ou À moi la fortune, 2 vol. in-8, 1837. — Deux jeunes gens de vingt-quatre à vingt-cinq ans, quittent Aix pour aller chercher fortune à Paris : l’un, Menardi, est animé de nobles sentiments ; l’autre, Rodolphe, est disposé d’avance à tout faire pour réussir. L’honnête Menardi s’éprend d’une jeune veuve qu’il suit en Italie, et que des brigands enlèvent et dépouillent de tous ce qu’elle possédait. Menardi, au désespoir, revient à Marseille, hérite d’un de ses oncles de plusieurs millions, retrouve sa charmante veuve, et partage sa fortune avec elle. Rodolphe, après avoir travaillé à la Minerve et fait des sermons pour un évêque, s’attache à la femme d’un agent de change dont il épouse la fille, après avoir procuré à son beau-père futur les moyens de gagner plusieurs millions. — On pourra juger du style et des idées de l’auteur par le passage suivant  : « Savez-vous ce que c’est aujourd’hui que les lettres ? c’est du papier et de l’encre d’impression ; c’est du noir et du blanc en feuilles et en volumes ; c’est un objet matériel vendu avec une intelligence commerciale plus ou moins subtile ou plus ou moins heureuse. L’art de réussir en écrivant, comme en vendant du cirage, consiste à exposer savamment sa marchandise. Le mérite des vers ou de la prose, ainsi que la qualité du cirage, se déduit de l’habileté du marchand à se faire des chalands. Voilà, voilà les lettres ! … du cirage plus ou moins luisant, mais convenablement porté. Après cela, que le volume gâte le cœur, que le cirage brûle les bottes, poëte, historien, dramatiste, romancier ou décrotteur, vous n’en ferez pas moins fortune, si vous avez bien spéculé. » — En réponse à cette boutade d’un esprit chagrin, nous opposerons la définition de l’homme de lettres par M. de Pongerville, un des hommes qui comprennent le mieux la mission et le caractère de l’écrivain. « Le véritable écrivain, dit-il, regarde la littérature comme un sacerdoce qu’il doit exercer religieusement ; il n’en souille point la pureté par des actions cupides, par une vanité mesquine ; il ne veut ajouter à l’éclat de sa renommée que le titre d’honnête homme. Interprète des vérités utiles, il les met en circulation avec le sceau du talent ; plein de courage pour défendre les libertés publiques ou l’honneur national, il ne descend jamais dans l’arène des passions vulgaires. Patriote sans aveuglement de parti, philosophe sans intolérance,