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elle a passé toute son enfance ; un beau lord élégant et sentimental, qui la rencontre dans un léger embarras et lui apparaît d’abord comme un sauveur ; un très-vieux mari, bon, sensible, paternel, jamais ridicule, qui n’épouse la jeune fille que pour l’affranchir d’une mère égoïste, et lui assurer fortune et avenir ; tous les événements les plus simples de chaque jour entre ces trois êtres qui, par un concours naturel de circonstances, ne vont plus se séparer jusqu’à la mort du vieillard ; des scènes de parc, de jardin, des promenades sur l’eau, des causeries autour d’un fauteuil ; des retours au couvent et des visites aux anciennes compagnes ; un babil innocent, varié, railleur ou tendre, traversé d’éclairs passionnés ; la bienfaisance se mêlant, comme pour le bénir, aux progrès de l’amour ; puis, le monde au fond, saisi de profil, les ridicules et les noirceurs indiquées ; plus d’un original ou d’un sot marqué d’un trait divertissant au passage ; la vie réelle, en un mot, embrassée dans un cercle de choix ; une passion croissante qui se dérobe comme des eaux limpides sous des rideaux de verdure et se replie en délicieuses lenteurs ; des orages passagers sans ravage, semblables à des pluies d’avril ; la plus difficile des situations honnêtes menée à fin jusque dans ses moindres alternatives, avec une aisance qui ne penche jamais vers l’abandon, avec une noblesse de ton qui ne force jamais la nature, avec une mesure indulgente pour tout ce qui n’est pas indélicat ; tels sont les mérites principaux de ce livre, où pas un mot ne rompt l’harmonie.

*CHARLES ET MARIE, in-12, 1802. — Dans cette charmante nouvelle, l’auteur semble avoir voulu imiter la manière de Sterne. Le journal que tient Charles de ses actions, de ses pensées secrètes, abonde en traits délicats, en sentiment exquis. Charles perd son excellente mère, qu’il regrette ; un bon père lui reste ; tous deux vivent ensemble à la campagne, où ils font connaissance avec un seigneur du voisinage, lord Seymour, père de trois filles. L’aînée a les inclinations de son père, elle aime les chevaux et la chasse ; la seconde, élevée par une tante riche, fait la spirituelle et la savante ; la troisième, Marie, possède les vertus et surtout la bonté de sa mère, dont elle fait la consolation. Les deux aînées, pauvres créatures, se donnent de grands airs et brillent dans la société ; la bonne Marie joue un rôle subalterne en apparence, mais réellement le plus intéressant et le plus respectable. Charles lui rend justice, la distingue de ses sœurs, en devient éperdument amoureux, et l’épouse après quelques incidents amenés par la résistance de la famille et par une jalousie d’amant.

*EUGÈNE DE ROTHELIN, 2 vol. in-12, 1808. — On ne trouvera