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dans la naïve simplicité de ses mœurs, une petite société uniquement occupée de quelques intérêts matériels, tels que les travaux de la pêche et de la chasse, dont elle tire sa subsistance. Les seuls événements qui l’agitent, sont le naufrage de quelque vaisseau, dont les débris, partagés entre les habitants, répandent un peu d’aisance dans le pays ; une foire qui se tient dans quelque ville éloignée ; une fête rustique donnée par quelque riche propriétaire. Ce peuple de pêcheurs, réduit à une vie si pacifique, aimé à se rappeler le temps où ses belliqueux ancêtres se nommaient les rois de la mer ; plein d’ignorance et de superstition, il ajoute encore une espèce de croyance aux traditions fabuleuses de la religion d’Odin. Pour le faire connaître, il a suffi à l’auteur d’un petit nombre de personnages, qui sont, dans son livre, comme les représentants de la civilisation de ces îles avant le XVIIIe siècle. C’est un vieux Udaller, descendant des anciens comtes du pays, fier des exploits de ses aïeux et de l’antique gloire de sa nation brave et hospitalière ; ce sont deux filles de ce vieillard : l’une, pleine d’imagination et d’enthousiasme, transportée par l’élévation de ses pensées, et aussi par son inexpérience, hors du monde réel qu’elle ignore, et vivant au sein d’un monde idéal peuplé des souvenirs fabuleux dont on a bercé son enfance ; l’autre, d’un esprit plus humble et plus calme, mais aussi moins crédule, tendre, affectueuse, compatissante et constamment animée d’une douce gaieté, qui contraste avec la gravité habituelle de sa sœur. C’est encore une femme de la même famille, que de grands malheurs ont en partie privée de sa raison, qui se croit douée d’un pouvoir surnaturel, et qui a su faire passer dans l’esprit des autres sa propre conviction. À côté de ces acteurs principaux, paraissent quelques autres personnages subalternes : un petit vieillard poëte et musicien, l’ordonnateur des fêtes et l’ornement obligé de tous les festins ; un colporteur, grand débiteur de nouvelles, et qui fait à lui seul presque tout le commerce de l’île ; un Écossais, envoyé dans le pays pour y perfectionner les travaux de la culture encore dans l’enfance, espèce de législateur rustique, nommé Triptolème, caractère d’un excellent comique, qui a fait fortune en Angleterre. C’est au milieu de cette société, peinte de la manière la plus piquante, qu’un événement fortuit amène le personnage principal du roman, le pirate Cléveland, jeune homme douée de qualités brillantes, qui n’ont pu effacer entièrement les habitudes grossières et féroces de sa profession. Ce forban parvient à gagner le cœur d’une des filles de l’Udaller, et cette passion, qui est admirablement peinte et qui forme le nœud du roman, donne naissance à des scènes du plus vif intérêt. En général, l’ouvrage se