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Là devait finit l’histoire vraie de la vie de la femme. L’auteur a cru devoir la continuer, mais l’intérêt s’affaiblit et ne recommence à saisir le lecteur que quand Indiana revient veuve des colonies pour chercher Raymond, qui ne peut plus lui appartenir.

LÉLIA, 2 vol. in-8, 1833. — Lélia est une femme qui a connu les illusions de la vie, qui s’y est laissé prendre avec abandon, avec ivresse. Dépouillant tout égoïsme de femme et d’amante, elle a aimé une fois, une seule fois, elle a cru être aimée comme elle le méritait et le voulait ; mais elle aimait avec son cœur, sa passion était la plus haute expression du spiritualisme dans l’amour. Celui qu’elle avait choisi et préféré entre tous n’a rien compris à cette délicatesse de sentiments ; il l’a aimée avec ses sens. Lélia se jugeant nécessaire au bonheur de cet homme si peu semblable à elle-même, s’est dévouée, a subi des plaisirs pour lesquels elle n’avait ni vocation ni foi. Mais enfin un jour le charme a été rompu ; elle a rougi d’une liaison indigne d’elle et l’a brisée. De ce jour il lui est devenu impossible de retrouver la première fraîcheur de ses émotions ; plusieurs fois elle a encore voulu accueillir l’amour qu’on lui témoignait, et s’est efforcée d’aimer de nouveau ; à chaque essai nouveau elle s’est convaincue du vide de toutes les affections humaines. À une telle femme la fatalité envoie un amant jeune d’années et d’espérances, un poëte de vingt ans. Sténio aime Lélia ; il pleure de voir qu’elle est désormais incapable d’aimer comme il le demande, comme elle le voudrait elle-même ; Lélia, un peu ranimée par une passion si naïve et si vraie, fait des efforts incroyables pour retrouver au fond de son cœur épuisé quelques sentiments d’amour qu’elle puisse donner au jeune Sténio ; mais assurée qu’il ne dépend pas d’elle de le rendre heureux, et décidée à ne pas se souiller dans des embrassements matériels auxquels d’ailleurs la vie manquerait toujours, Lélia met son jeune amant aux bras d’une sœur qui a fait un bien autre choix qu’elle dans les jouissances de la terre : Pulchérie est devenue courtisane ; elle a repoussé le spiritualisme en amour, elle n’a cru qu’au plaisir, et elle croit avoir fait le meilleur choix ; et, il faut le dire, son rôle, sa position dans le livre, tendent à lui donner raison. Cependant Sténio, au sortir des bras de Pulchérie, reconnaît sa méprise ; il n’a possédé que l’ombre de la femme telle qu’il la rêvait ; il connaît toute la vanité du bonheur envié par une jeune imagination, il se jette dans la débauche et meurt par le suicide. Lélia tente de se guérir du scepticisme par la religion, et ne trouve rien aux sources vitales de la consolation et de la foi. Elle se lie avec un être qui a traversé le scepticisme, qui ne croit plus à rien, qui est mort à toute félicité. Dans cet être se