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reine, lorsqu’elle reconnut à son côté Giulio en grand costume de cardinal. Ce fut un coup terrible pour la pauvre femme ; quand elle eut repris ses sens, elle se réfugia aux Carmélites, confiant sa fille aux soins de la Carducha. Christine hérita des grâces de sa mère ; à dix-sept ans, elle fut aimée par un jeune marchand, Denis Rabanel ; puis elle rencontra Philippe de Mancini, neveu de Mazarin, jeune débauché qui sut toucher son cœur, et qui un soir l’enleva et la fit conduire précisément dans la petite maison où elle était née, et où elle avait passé les premières années de son enfance. La jeune fille échappa à la séduction. Lorsque Laure apprit le danger qu’avait couru sa fille et le nom du séducteur, elle donna à Christine une lettre pour le cardinal Mazarin. Ce ministre se serait laissé toucher par les grâces et la touchante douleur de son enfant, mais, par malheur, Mancini s’était marié la veille. Christine se consola en épousant le jeune marchand Denis Rabanel. — Le principal mérite de ce roman est un intérêt qui vous prend dès les premières pages, et qui vous laisse plein d’émotion à la dernière. Ce n’est pas dans cette courte et rapide analyse que nous avons pu faire sentir tout le charme, toute la grâce, toute la délicatesse, qui caractérisent le talent de Mme Reybaud, talent qui ne demande rien aux ressources dont on abuse tant aujourd’hui. Ce n’est ni dans l’horrible, ni dans l’immoral qu’elle cherche ses émotions ; son âme, voilà avec quoi elle écrit, et c’est là peut-être ce qui explique ce qu’il y a quelquefois d’un peu romanesque dans sa fable : l’imagination d’une femme va toujours, quelques rênes qu’elle y mette, un peu plus loin que la réalité.

ELYS DE SAULT, 2 vol. in-8, 1838. — La scène est à Avignon, vers le milieu du XIVe siècle. Alors les papes y tenaient leur cour ; Clément VI était le titulaire du saint-siége, et la reine Jeanne, chassée de ses États de Naples, habitait aussi la capitale temporaire du catholicisme. Elys de Sault est destinée au cloître, quand la peste noire s’abat sur Avignon, et frappe la maison seigneuriale. Tous les parents de la noble fille tombent et meurent à ses côtés ; atteinte elle-même, elle doit la vie à don Lorimer qui brûle d’amour pour elle depuis qu’il l’a vue quelque temps avant dans un tournoi ; il enfonce la porte de son hôtel marqué d’une croix fatale, la cherche, la retrouve et la guérit. Depuis la mort des siens, Elys est un des plus riches partis de la Provence ; sa fortune tente le sire de Gault, un de ses parents éloignés, qui se fait donner la tutelle de la belle mineure. Ainsi investi d’une autorité de père, il veut l’exploiter au profit de sa maison ; il songe d’abord à son frère, un ivrogne ; il le pousse à une scène de viol qu’il dénoue lui-même en assassinant le brutal qui n’a fait que lui obéir. Jaloux, amoureux, passionné autant pour la beauté de sa