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tion, ne diffère pas beaucoup des Mystères d’Udolphe ; mais la belle scène où le moine, en levant le poignard pour frapper sa victime endormie, reconnaît sa fille, est neuve, grande et sublime ; l’horreur qu’éprouve un scélérat qui, prêt à commettre un assassinat, vient d’échapper à un crime encore plus horrible, est le plus beau tableau que le pinceau de mistress Radcliffe ait tracé. — Le détestable Schedoni rencontre un être aussi méchant que lui, qui déjoue ses complots, et il est enfin accusé et convaincu par ce même homme, qui avait été son confident. La curiosité reste longtemps suspendue et comme haletante dans le cours de ces intrigues, par lesquelles mistress Radcliffe savait si bien exciter l’intérêt.

VOYAGE EN HOLLANDE, fait dans l’été de 1794, sur la frontière occidentale de l’Allemagne et les bords du Rhin ; auquel on a joint des observations pendant une excursion aux lacs des comtés de Lancaster, de Westmoreland et de Cumberland, trad. par Cantwell, 2 vol. in-8, 1799. — On ne trouve dans cette relation nul mélange de l’imagination romanesque d’Anne Radcliffe ; elle y décrit avec simplicité les lieux qu’elle a parcourus, et les événements qui se sont passés sous ses yeux.

LA FORÊT, ou l’Abbaye de Saint-Clair, trad. par Soulès, 2 vol. in-12, 1800. — Ce roman, publié en 1791, plaça mistress Radcliffe au premier rang des écrivains dans son genre de composition, et elle n’en est pas descendue depuis cette époque. Dans cette nouvelle production, son imagination s’était soumise à un plan plus régulier. Les caractères, quoique peut-être il n’y ait rien de bien original dans leur conception, sont peints avec un art bien supérieur à celui que l’auteur avait montré dans ses ouvrages précédents ; celui de la Mothe est dessiné avec un talent particulier ; et presque tout l’intérêt repose sur les vacillations de ce personnage, plus faible et plus vicieux que scélérat, et qui est néanmoins toujours sur le point de devenir l’agent des atrocités que son cœur désavoue. C’est l’homme indigent qui a connu des jours plus heureux ; dans son dépit contre le monde, d’où il a été chassé avec mépris, et condamné par les circonstances à chercher un asile dans un château en ruine, plein de mystères et d’horreurs, il se venge en exerçant un sombre despotisme dans sa famille, et en tyrannisant ceux qui ne lui cèdent que par le sentiment du devoir. Un agent plus puissant apparaît sur la scène, prend de l’ascendant sur cet esprit cruel, mais irrésolu, et, employant alternativement la séduction et la terreur, le force à devenir l’agent de ses desseins contre la vertu et même contre la vie d’une orpheline que la reconnaissance, l’honneur et l’hospitalité lui faisaient une loi de chérir et de protéger. L’héroïne a l’innocence, la can-