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numents ; telles sont les qualités qui recommandent cet ouvrage au lecteur.

On a encore de cet auteur : Les deux Amis, 3 vol. in-12, 1804.

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PIGAULT-LEBRUN (Guillaume-Charles-Antoine),
né à Calais le 8 avril 1753, mort le 24 juillet 1835.

Ce spirituel romancier, qui dans le genre comique a fait école, est un auteur dont jusqu’à présent le mérite n’a pas été apprécié à sa juste valeur. N’appartenant à aucune coterie littéraire, dédaignant les succès de camaraderie, il a toujours négligé les moyens qu’emploient certains auteurs pour faire ressortir le mérite de leurs productions. Aussi chercherait-on en vain dans les feuilletons de l’époque un seul article constatant le succès de ses nombreux romans, ce qui ne veut pas dire, toutefois, qu’ils aient été à l’abri de la critique ; mais Pigault ne s’en tracassait guère. Fort insouciant sur l’opinion que les aristarques émettaient sur ses romans, il se contentait de la faveur du public qui ne lui fit jamais faute, et répondit, pendant quarante ans, à une diatribe ou à un article dédaigneux sur un de ses romans, par la publication d’un roman nouveau, c’est-à-dire par un nouveau succès. Peu d’auteurs ont en effet procuré à leurs éditeurs de plus beaux avantages ; nous tenons de source certaine que la vente des ouvrages de Pigault, tous édités par le libraire Barba, s’est élevée à plus de six cent mille francs ! Aussi ce libraire se plaît-il à proclamer Pigault-Lebrun son père nourricier.

Aucun auteur ne fut peut-être à la fois plus gai, plus fécond, plus original que Pigault-Lebrun. Ses ouvrages ont obtenu une vogue prodigieuse ; leur succès n’a pas été une affaire de mode ; leur réputation, fondée sur une peinture fidèle, maligne et comique des mœurs qu’il décrit, sur un style enjoué, spirituel et correct, sur une narration constamment animée, rapide, amusante, sur une instruction et un fonds de philosophie inépuisables, ne peut manquer de se soutenir. Sans doute on peut lui reprocher une licence quelquefois trop grande dans ses portraits, une gaieté souvent bouffonne dans ses descriptions, des tableaux parfois un peu trop libres ; mais, malgré ces défauts, Pigault se fait lire avec le plus grand plaisir ; il saisit bien les rapports comiques de plusieurs choses, en prévient le résultat par des comparaisons d’une manière vive et piquante. Il est peintre, car il fait assister le lecteur aux scènes qu’il décrit ; il n’est pas toujours, il est vrai, peintre de bon ton, mais il l’est à la manière de Teniers, de Boilly ; il ne copie pas la belle nature pour lui prêter des formes sévères