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amie toujours, et votre maîtresse quand vous voudrez. Félix, de plus en plus embarrassé, et ne trouvant rien à répondre à ces avances britanniques, prit le parti de la retraite. Miss Arabelle eut recours alors à un expédient décisif ; un soir, en rentrant chez lui, Félix la trouva dans sa chambre à coucher, et l’on pense bien qu’il succomba. Quand, fatigué de cette intrigue, il revint au château de Clochegourde, il trouva son lys desséché ; Mme de Mortsauf se mourait de jalousie. — Il serait difficile d’imaginer rien de plus insipide que l’amour platonique de Félix pour Mme de Mortsauf, dont toute la vertu repose sur l’inconcevable réserve de son amant, ainsi qu’elle le lui avoue dans une lettre écrite à ses derniers moments, alors que, dans le délire et le désespoir d’une lente agonie, cette femme si chaste met en doute la vertu, et regrette de n’avoir pas fait comme lady Dudley. La donnée générale de ce roman est beaucoup moins heureuse que celle des autres livres qui ont fait la réputation de M. de Balzac. Elle est trop vague, et l’imagination n’a rien à saisir dans ces situations abstraites où le romancier place ses personnages. M. Mortsauf est un émigré rentré qui ne ressemble en rien à ce que nous avons vu ; Félix de Vandenesse est un jeune homme ambitieux et cupide dont sont pleins sous tous les régimes les salons ministériels : Mme de Mortsauf est un peu plus digne d’attention, mais c’est encore une esquisse peu arrêtée, qui semble loin des portraits de femmes que M. de Balzac nous a quelquefois donnés ; miss Arabelle est le seul personnage qui ait quelque saillie, mais il n’est qu’accidentel et ne se développe qu’imparfaitement. Le drame, avec de pareils acteurs, ne pouvait avoir qu’un médiocre intérêt ; il est d’ailleurs entravé par d’interminables longueurs.

LE SORCIER, 2 vol. in-8, 1837. — Le Sorcier est un vampire qui, à part le besoin de se repaître de sang humain, afin de prolonger son immense longévité, est une créature fort douce, fort aimable, fort obligeante, même sensible, pleurant sur les jeunes filles qu’il tue, mais les tuant quand il a pleuré sur elles. Ce vampire s’appelle Beringheld le centenaire ; il était venu au monde en 1572, le jour même de la Saint-Barthélemy ; il va et vient sans cesse ; il est ici, il est là, poursuivant les jeunes filles, leur prodiguant des monceaux d’or, afin de gagner leur confiance. Une fois qu’il y est parvenu, il obtient d’elles un rendez-vous qu’il a soin de leur assigner dans un lieu « inconnu au reste des mortels ; » alors il les expédie par un genre de mort à lui tout particulier : il s’empare de leurs facultés vitales, puis il brûle leur cadavre et leurs vêtements.

LA RECHERCHE DE L’ABSOLU. — La Recherche de l’absolu est une histoire assez longue où il y a beaucoup de mouvements et d’in-