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main leste et légère, c’est lui qui a l’honneur de coiffer les pratiques les plus considérables du quartier, parmi lesquelles est le marquis de Rinville, capitaine de cavalerie, et le comédien Durosay. En arrivant à Paris, Giffard a été recommandé à une famille d’honnêtes gens, dont le chef est le prote d’imprimerie Lefèvre, qui lui donne de bons conseils que le jeune perruquier ne met pas longtemps à profit. Une heureuse obscurité ne suffisant pas à ses vœux ambitieux, Giffard s’affilie à une société populaire, tout en faisant partie d’une autre société où l’on ne se séparait qu’aux cris de vive le roi ! Comme ses affaires prospéraient, il s’associa à une troupe de comédiens bourgeois où il se présenta sous le nom de Giffard de Cuissac, et où il fit connaissance avec la jeune et jolie Thérèse, belle-sœur de l’imprimeur Lefèvre, dont le marquis de Rinville devint l’amant aimé, et qui le rendit père d’un fils. M. de Rinville émigre, et Giffard, qui venait d’éprouver une mésaventure dans sa société patriotique, le suit de l’autre côté du Rhin, où il veut se faire passer pour noble ; mais reconnu par quelques gentilshommes dont les têtes lui avaient passé par les mains, il est forcé de reprendre la houpe et le cuir anglais. Pauvre Giffard ! c’était bien la peine d’émigrer ! … À la faveur de son obscurité, il rentre en France, s’enrôle dans une troupe de comédiens, dont faisait partie Thérèse, l’amante délaissée du marquis de Rinville. Bientôt il quitte le théâtre, devient négociant, journaliste, directeur de spectacle, fournisseur de l’armée d’Italie, où il fait une fortune rapide, et finit par épouser Thérèse, à laquelle il n’eut pas de peine à faire accepter sa main et le partage de ses richesses. Mme  Giffard faisait honneur à la fortune de son mari ; il lui vint dans l’idée d’en faire un législateur, elle le fit nommer membre du conseil des Cinq-Cents. Le 18 brumaire, Giffard sauta un des premiers par la fenêtre ; mais le soir il était de retour à Saint-Cloud et votait l’approbation de la mesure qui l’avait tant épouvanté le matin. La nouvelle constitution est mise en activité, on nomme des tribuns, des sénateurs, des conseillers d’État, et Giffard est oublié, ou plutôt on n’avait pas oublié qu’il avait été perruquier. Sous l’empire, Giffard, dont la fortune n’avait survécu que de quelques jours au gouvernement républicain, se vit forcé d’accepter une place d’huissier du cabinet, qu’il ne parvint même pas à conserver. Après bien des démarches, il fut placé dans les droits réunis, fut mis à la retraite, devint philosophe, et se trouvait barbier dans un village du Dauphiné, lorsqu’un courrier parti de la capitale vint porter aux habitants de l’Isère la déchéance de Napoléon. Possesseur d’une vingtaine de mille francs qui lui étaient comme tombés du ciel, Giffard, qui se croyait royaliste, se mit en route pour Paris, où il se lance de nouveau dans l’intrigue et