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quise de Bordeaux, qui a baptisé aussi du nom de la Reine-des-Bals la belle Nathalie Évangelista, fille d’un négociant espagnol et d’une créole issue de l’une des plus illustres familles de l’Ibérie. Le négociant est mort, et sa veuve, habituée à la dépense, a continué son existence splendide, sans faire attention qu’elle a entamé la portion des biens dévolue à sa fille, et que même, en se dépouillant de tout ce qu’elle possède, elle ne pourrait combler le déficit. Paul de Manerville, retiré à Bordeaux, a été reçu chez Mme  Évangelista, et toute la ville, d’une voix unanime, a sur-le-champ marié la Fleur-des-Pois avec la Reine-des-Bals ; et la question du mariage ayant en effet été agitée, quelques mots ont suffi pour la résoudre ; mais celle du contrat, plus grave, plus compliquée, devait entraîner des discussions plus longues, que M. Balzac s’est complu à décrire peut-être avec un peu trop d’étendue. Le contrat se conclut, les jeunes gens se marient et pourraient être passablement heureux ; mais Mme Évanlégista, qui a conservé une profonde rancune d’une humiliation légère et méritée, voue à son gendre une haine mortelle, ardente, inextinguible ; elle ne se donne pas de relâche qu’il ne soit ruiné, trahi, perdu, forcé de s’expatrier au bout de cinq années d’hymen, et d’aller demander une fortune nouvelle à une terre étrangère, où il n’emporte pas même la consolation de se savoir aimé ; dénoûment triste, et qui ne satisfait personne. — La grande bataille du contrat de mariage est savamment et plaisamment décrite, et les caractères des deux notaires sont parfaitement tracés ; mais le caractère de Henri de Marsay, l’ami de Paul, est ignoble ; l’épître qu’il écrit à Paul, après lui avoir prêté cent cinquante mille francs pour aller refaire sa fortune à Calcutta, et où il transporte dans les affaires communes son cynisme effronté, paraît avoir été dictée par Lacenaire ou Robert Macaire.

LE LYS DANS LA VALLÉE, 2 vol. in-8, Paris, 1836. — Félix de Vandenesse, jeune homme élevé à la campagne, rencontre, dans un bal à Tours, une jeune et belle femme, pour laquelle il s’éprend d’une passion romanesque, mais dont il ignore le nom et la demeure. En parcourant une vallée située entre la Loire et Montbazon, il retrouve sa belle inconnue, Mme  de Mortsauf. Ce lys de la vallée habitait le château de Clochegourde, où bientôt Félix est introduit, mais qu’il quitte sans avoir osé faire connaître sa passion. À Paris, il fait la connaissance de la marquise de Dudley, la plus excentrique lady que l’on puisse imaginer. La marquise s’éprend d’une furieuse passion pour Félix. Un jour, à un dîner diplomatique, où elle se trouvait à côté de lui, elle lui dit : — Monsieur, si j’étais aimée comme Mme  de Mortsauf, je vous sacrifierais tout. Surpris de cette déclaration à brûle-pourpoint, Félix demeure froid, et la marquise ajoute : — Je veux être votre