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pres embûches, et abandonnée de tout le monde, elle se demande à elle-même : Que me reste-t-il dans un tel embarras ? et elle répond : Moi, moi dis-je, et c’est assez ; il faut savoir gré à une Allemande de cette fermeté, et à une Allemande de cette citation. Malheureusement tant d’heureux dons parent le caractère le plus pervers ; ils ne servent qu’à faire plus facilement tout le mal possible, surtout au bon Henri et à l’aimable Amanda. Par bonheur, Rosalie est là et détourne adroitement tous les coups. Rosalie est l’ange tutélaire des deux amants : amante elle-même d’Henri, elle sacrifie héroïquement son amour. Cependant cette raison toujours éclairée, toujours calme, toujours maîtresse d’elle-même, plaît peut-être moins, a quelque chose de moins piquant que l’exaltation d’Amanda. En France, nous ne pouvons certainement pas exiger que nos demoiselles soient plus jeunes, plus belles, plus jolies ; qu’elles aient plus d’instruction, plus de vertu et même plus d’amour ; mais nous voulons qu’elles soient moins assurées, et qu’elles se mêlent de moins de chose que Rosalie. — En résumé, on retrouve dans ce roman tout le talent qui distingue les meilleures productions d’Auguste Lafontaine.

AMÉLIE, ou le Secret d’être heureux, trad. de l’allemand par Berton, 2 vol. in-12, 1812. — Le vieux Marten, trahi par une épouse qu’il adorait, ne croit plus à l’honneur des femmes ; il imagine d’élever dans la clotûre la plus sévère une fille en bas âge qui lui reste de cette union malheureuse, et place près d’elle six jeunes filles qu’il dote et marie à l’époque du mariage de sa fille. Une seule de ces jeunes filles, Baptistine, refuse de se marier ; en proie à une morne tristesse, elle tombe dans une affreuse consomption dont on ne peut pénétrer la cause. Pour la distraire, M. Marten entreprend, avec sa fille et son mari, un voyage pendant lequel on doit visiter les principales villes de l’Allemagne. Hélas ! le remède était plus dangereux que le mal ; une passion irrésistible pour Charles Horst, le mari de sa jeune amie, était la maladie secrète qui minait la santé de Baptistine. De fréquents et inévitables tête à tête ne font qu’augmenter la violence de l’amour qui la dévore ; et Charles, sans s’apercevoir de la révolution qui se fait en lui, commence à brûler de cette flamme illégitime. Une nuit, pendant que Baptistine songe avec une mélange de volupté et d’effroi au charme qu’elle a goûté auprès de Charles dans une soirée consacrée à la danse et au plaisir, la porte de sa chambre s’ouvre tout à coup ; un homme entre… Baptistine conjure Charles de se retirer : il s’avance, elle veut fuir… sa fuite même la livre aux emportements du téméraire… le ravisseur se retire enfin. Charles disparaît avant le lever du soleil, et laisse un billet par lequel il annonce que des affaires imprévues l’obligent de s’éloigner. Quelque temps après,