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famille. Maria, au milieu de son malheur, songeait à Fédor, et se voyait avec désespoir abandonnée de son unique appui. Mais au moment où elle l’accusait, Fédor la suivait, venait partager l’exil de la famille malheureuse, et la secourir dans sa détresse. Ici l’analyse ne peut donner une idée des scènes d’amour et de confiance qui se succèdent à chaque instant pendant le plus pénible voyage : c’est le triomphe de Lafontaine ; et quoique prolongées peut-être, elles sont toujours attachantes. La douce Maria parvient à être unie à son cher Fédor. Trois années se passent dans le lieu de leur exil, où Menzikof termine paisiblement la vie la plus orageuse. Maria, que la fatigue et les peines avaient affaiblie, expira bientôt aussi dans les bras de son époux, et Fédor ne put lui survivre.

LES DEUX FRÈRES, ou les Étourderies, trad. par Breton, 4 vol. in-12, 1810. — Le capitaine Schllauch, homme franc, loyal et bon ami, a deux neveux : Édouard, étourdi, vaillant, amoureux ; Adolphe, hypocrite, faux et libertin. Adolphe est chéri, recherché ; tandis que l’innocent Édouard est chargé de toutes les iniquités de son frère. Conseillé par un scélérat consommé, l’hypocrite et libertin Adolphe séduit et abandonne une jeune fille qui, malgré des fautes très-graves en apparence, n’en est pas moins le modèle des filles amantes, et même la plus vertueuse des femmes. Adolphe, ne sachant comment se tirer de ce mauvais pas, confie tout au brave Édouard sous le sceau du secret, et ce secret fatal fait le nœud du roman, dont nous ne pousserons pas plus loin l’analyse, pour ne pas enlever au lecteur le plaisir de débrouiller lui-même l’intrigue compliquée de cette production. Nous en détacherons seulement un épisode plein d’intérêt qui se rattache directement à l’histoire principale. — Le capitaine Schllauch, mis au collége dans sa jeunesse, se lia d’amitié avec un certain Torunhill ; le capitaine était toujours le premier de sa classe, Torunhill avait beau travailler sans relâche, il ne pouvait jamais être que le second ; dans leurs jeux, dans leurs plaisirs, Schllauch l’emportait toujours ; dans le monde, Torunhill parcourt toutes les carrières de la vie, et partout son espoir, son ambition, son amour même sont déjouées par le capitaine, qui n’apprend jamais le mal qu’il a fait que quand il n’est plus temps d’y remédier. Enfin cette fatalité, qui les poursuit tous les deux, change tellement le caractère de Torunhill et fait naître dans son cœur une haine si forte, qu’il ne respire plus que pour la vengeance lorsque le bon capitaine songe sans cesse à lui prouver son amitié. Torunhill se marie, perd sa femme qui lui laisse une jeune fille à élever ; il devient la victime d’une accusation injuste portée contre lui : condamné pour la fabrication de fausses lettres de change, il est obligé de quitter son