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fenêtre de la maison qu’elle habitait alors ; toutes les idées de cette rêverie sont à la fois touchantes et gracieuses. Il se représente son Auguste telle qu’elle était aux beaux jours de la jeunesse ; dans un transport excité par un si doux souvenir, il s’écrie : Ô mon Auguste ! … Une voix cassée répond derrière lui : Que me veux-tu, mon ami ? … C’est son Auguste avec des cheveux blancs et devenue grand’mère ! Il semble qu’ici l’intérêt doit finir, mais l’auteur le ranime ; le reste de la scène est de la plus douce sensibilité. Ce tableau est pur, vrai, profondément senti, il n’a rien de fade ou d’exagéré ; il fallait un grand talent pour l’offrir avec succès, surtout au commencement du XIXe siècle. — Le chapitre qui a pour titre la Veuve est aussi du plus grand intérêt. C’est un jeune ministre qui adopte pour sa mère une femme âgée, veuve de son prédécesseur ; elle lui raconte ses malheurs avec une simplicité touchante ; elle a perdu cinq enfants dans la chambre où ils sont, elle est isolée sur la terre. Le jeune pasteur tombe à ses pieds : Non, lui dit-il, vous n’êtes point seule au monde ; de ce moment vous avez un fils… Il faut lire ce chapitre dans l’ouvrage : on n’en peut rien retrancher, on ne saurait l’extraire sans le gâter. Dans le même volume, on lira avec le plus grand plaisir un chapitre d’un autre genre intitulé le Jeune prédicateur. On ne peut trop louer l’auteur d’avoir su peindre la pauvreté, non-seulement avec intérêt, mais avec charme ; ses tableaux la font aimer ; le meilleur traité de morale ne produira jamais autant d’impression.

MARIA MENZIKOF ET FÉDOR DOLGOUROUSKI, Histoire russe, trad. de l’allemand par Mme  de Montolieu, 2 vol. in-12, 1804. Dans ce roman, Auguste Lafontaine a abandonné cette fois ces scènes domestiques qu’il trace avec tant d’intérêt et sur lesquelles on s’arrête avec tant de plaisir, pour décrire l’intérieur des palais, et peindre l’ambition, la haine et la vengeance. Le jeune Fédor Dolgourouski, dans une guerre contre les Tartares, parvient par son courage à décider le gain d’une bataille importante, et est choisi pour en porter le nouvelle à l’impératrice. Retenu en route pas le débordement d’une rivière, il rencontre des femmes qui lui sont inconnues, auxquelles il a occasion d’être utile, et dont une, la belle Maria, a pour jamais décidé de son sort. Il les quitte et arrive à Saint-Pétersbourg. Au milieu d’une fête il voit paraître sa belle inconnue ; c’était Maria de Menzikof, la fille du plus grand ennemi de sa famille. Fédor et Maria sont unis par le cœur ; mais la haine de leurs maisons est un obstacle invincible à leur tendresse. L’impératrice meurt ; Menzikof devient tout-puissant et parvient à fiancer sa fille à l’empereur. Mais la faveur et les vexations de Menzikof grossissent le nombre de ses ennemis, sa fortune chancelle ; il est renversé et exilé en Sibérie avec toute sa