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de relire. Quel moment que celui où la princesse de Clèves, effrayée de sa tendresse pour le duc de Nemours, vient en tremblant tomber aux genoux de son époux pour lui avouer un amour qu’elle n’a pas la force de vaincre ! Où trouver ailleurs plus d’émotion, plus de générosité, une jalousie plus délicate que dans ce roman ? Une sensibilité douce, un abandon attendrissant, un intérêt qui s’accroît à chaque page, sont les principales beautés qui le distinguent. La fin remplit l’âme d’une tristesse profonde, mais qui a ses charmes. Peut-on, en effet, rester froid et insensible sur le sort du sexe tant idolâtré et si malheureux, dont la beauté n’assure souvent que l’infortune, qui ne vit que pour l’amour et pour le combattre, et qui, victime tout à la fois et de ses penchants et de ses devoirs, recueille si peu de plaisirs et tant de regrets ?

MADEMOISELLE DE MONTPENSIER, in-12, fig., 1804. — La première édition parut à Paris en 1660. — On a quelquefois inséré mal à propos ce roman dans le recueil des œuvres de Mme la comtesse de la Suze. Mademoiselle de Montpensier n’est pas, à proprement parler, un roman, c’est une nouvelle, et une nouvelle charmante, délicieuse de nobles sentiments. Il est difficile de rassembler avec plus d’art, dans un seul petit volume, une foule d’événements plus naturels et mieux conduits. On voit, on plaint la beauté malheureuse et sensible, qui, reconnaissant en elle-même une passion cachée et funeste, fait de vains efforts pour la surmonter, et meurt de désespoir, après avoir perdu sans crime le cœur de celui qu’elle aima et l’estime de son époux. — Le personnage le plus remarquable de ce roman est celui du comte de Chabannes. Quoique déjà vieux, il devient amoureux de la princesse de Montpensier ; malheureusement la princesse est amoureuse elle-même du duc de Guise, qui aime aussi Mme de Noirmoutier. Tel est cependant l’excès de la passion que Chabannes a conçue pour elle, tel est l’ascendant qu’elle a pris sur son esprit, que pour lui plaire il consent à servir son rival ; c’est lui qui apporte les lettres du duc de Guise, et quand il n’en apporte pas, il faut voir comme il est reçu ! Bien plus, il pousse la complaisance jusqu’à favoriser les rendez-vous du duc et de la princesse. Tandis qu’il joue ce triste rôle, il est surpris par le duc de Montpensier qui le croit l’amant de sa femme ; il s’enfuit à Paris et périt dans le massacre de la Saint-Barthélemi. Le duc de Guise poursuit le cours de ses aventures amoureuses près de Mme de Noirmoutier. La princesse de Montpensier meurt de chagrin de se voir abandonnée d’un homme auquel elle avait sacrifié un époux tel que le prince et un ami tel que le comte de Chabannes.

MÉMOIRES DE LA COUR DE FRANCE pour les années 1688 et 1689, in-12, 1731. (Ouvrage posthume.) — Les Mémoires de la cour de