Page:Revue des Romans (1839).djvu/419

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


couvert les deux orphelins, les enlève et les fait élever sous les noms de Gustave et d’Alphonsine. Au moment de son apparition dans le monde, Alphonsine a inspiré une passion très-vive au jeune Charles d’Ellival, qui, sans le savoir, a fait impression sur le cœur de sa cousine, Léopoldine d’Ellival. Celle-ci, vive et passionnée, emploie sans succès toutes sortes d’artifices pour se faire aimer ; elle va jusqu’à faire enlever sa rivale, des valets accourent pour la protéger, et Léopoldine périt dans le combat. De son côté, Gustave a inspiré une tendre passion à Constance de Salini ; elle voit Charles, et Charles lui plaît davantage ; puis elle revoit Gustave et se décide enfin pour lui ; mais Gustave est destiné à épouser sa cousine Adélaïde. Après mille et une traverses, après plusieurs histoires de substitutions de biens, de femmes victimes et persécutées, de mariages manqués, une femme de chambre, confidente de la marquise de Florentino, révèle en expirant le secret du crime qu’elle a commis. Sa maîtresse est forcée de restituer aux deux jumeaux leurs noms et leur fortune ; Alphonsine épouse Charles d’Ellival ; Gustave épouse Adélaïde, et tous les autres personnages du roman arrivent à jouir de la plus grande félicité.

Séparateur

LACLOS (Pierre Ambroise Choderlos de),
né à Amiens en 1741, mort à Trente le 15 octobre 1805.



LES LIAISONS DANGEREUSES, 4 part. in-12, 1782 ; nouv. édit., 4 vol. in-18, 1823. — Quand ce roman parut, on jouait en France depuis longtemps avec les vieilles mœurs ; on attaquait de toutes parts, dans des romans licencieux et par mille voies indirectes, la chasteté des femmes, la vertu des jeunes filles, la pudeur des hommes. Un écrivain d’un caractère bilieux et d’une énergie terrible se mit à prendre au sérieux tous ces petits livres ; il voulut faire peur à cette société pervertie, il tint le miroir devant elle : il écrivit les Liaisons dangereuses. Quel livre, grand Dieu ! quelle femme atroce ! quelle petite fille ignorante ! quel roué dangereux et froid ! quelle mère imbécile ! quel monde ! quel luxe ! quel dédain pour l’espèce intermédiaire ! quel horrible commentaire de tous ces contes voluptueux, de tous ces romans gazés, de toutes ces esquisses sentimentales dont on avait inondé le public pendant quarante ans ! c’était horrible à voir ! Nous ne savons pas ce qu’eût fait la société si elle eût pu se voir dans ce miroir fidèle. Mais elle n’eut pas le temps de s’y regarder, elle était sur le bord d’un abîme, elle y tomba, et ils tombèrent tous ensemble, trône, autel, grands seigneurs, pouvoir et croyances, la duchesse et la fille d’opéra, toute cette espèce à part, pour laquelle la vie était