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que réprouvent également le goût et la morale, quand nos romanciers à la mode ne travaillent qu’à coudre et à ajuster avec plus ou moins d’habileté et de talent les scènes les plus triviales, les situations les plus vulgaires, quand les livres que chaque jour voit éclore sont presque tous défectueux, faux ou exagérés sous le rapport de la composition, du style, des sentiments et des idées, on est heureux de trouver parfois quelques-uns de ces livres d’où sont exclus les drames échevelés, ces héroïnes adultères et tout ce grand fracas de mots vides et sonores qui constituent le savoir-faire de la plupart des romanciers modernes ; on est heureux, disons-nous, de feuilleter un livre comme celui de Valérie, un de ces livres bien écrits et bien pensés qui, sans incidents bizarres, sans catastrophes et sans péripéties sanglantes, ont le secret de nous intéresser et de faire naître en nous de douces émotions, parce que l’auteur a puisé ses inspirations aux sources du beau et de la poésie, c’est-à-dire, de la moralité. — Le roman de Valérie se compose d’éléments extrêmement simples. Née sur les bords de la Baltique, Juliana de Wittinghoff épousa, à quatorze ans, le baron de Krüdner, qui en avait trente-six, et qui, peu de temps après, fut nommé ambassadeur à Venise : sa femme l’y suivit, et là se passèrent les événements sur lesquels est bâti le roman de Valérie. Mme de Krüdner n’a pas cherché son sujet, ses personnages, au delà de son intimité la plus étroite ; elle s’est mise en scène, elle et son mari partant pour son ambassade, emmenant avec lui le fils d’un de ses anciens amis, jeune homme plein de candeur et de vertu, mais qui ne s’enflamme pas moins d’un amour délirant pour l’ambassadrice. Valérie ignore l’amour qu’elle inspire, et ne l’apprend que par la bouche de son mari, lorsque son amant est à l’agonie. Le but de ce roman, comme l’auteur le déclare dans sa préface, est de montrer que les âmes les plus sujettes à être entraînées par de fortes passions sont aussi celles qui ont reçu le plus de moyens pour leur résister, et que le secret de la sagesse est de les employer à temps. Gustave meurt d’amour pour Valérie. La naissance de cet amour, ses progrès, ce souffle de tous les sentiments purs qui y conspirent, remplissent à souhait tout le premier volume ; des scènes variées, des images gracieuses, expriment et figurent avec bonheur cette situation d’un amour orageux et dévorant à côté d’une amitié innocente et qui ignore. Ainsi, quand à Venise, au bal de la Villa-Pisani, Gustave, qui n’y est pas allé, passant auprès d’un pavillon, entend la musique, et, monté sur un grand vase de fleurs, atteint la fenêtre pour regarder ; quand il assiste du dehors à la merveilleuse danse du schall dansée par Valérie, et qu’enfin, enivré et hors de lui, à l’aspect de Valérie qui s’approche de la fenêtre, il colle ses lèvres sur le