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tiennent-ils que des esquisses ; mais de si jolies esquisses ! L’Italie surtout était bien battue : M. Simon et M. Valéry avaient tout dit ; aussi M. Henri Heyne donne-t-il sobrement dans la manière descriptive. On traverse avec lui la Lombardie jusqu’aux bains de Lucques, sans y rien voir qu’une fruitière, la cathédrale de Milan, M. Grumpelino et M. Hirsh Hyacinthe, le plus plaisant personnage que l’on puisse créer. L’Angleterre est plus sérieusement décrite ; lord Wellington seul aura à s’en plaindre, car le héros n’est pas flatté. « Wellington et Napoléon ! dit M. Heyne ; c’est un bizarre phénomène que l’esprit humain puisse penser à tous les deux en même temps ! il n’existe pas de plus grand contraste qu’entre ces deux hommes, même à l’extérieur. Wellington, mannequin imbécile avec une âme grise et terne dans un corps de toile cirée, un sourire de bois sur une figure glacée… Qu’on se figure cela auprès de l’image de Napoléon ! » En Angleterre, ce n’est pas à Fox que l’auteur pense, mais à Napoléon ; il y prend au collet Walter Scott, encore vivant alors, et il écrit cette belle phrase : « Les Anglais n’avaient fait que tuer Napoléon ; mais Walter Scott l’a vendu. »

Dans ces deux volumes, que complètent le Tambour Legrand et Schnabelewopski, il y a deux choses bien distinctes, la forme et le fond, l’écorce et l’essence. La forme, c’est une causticité ravissante comme celle de Sterne, un gaspillage de sarcasme, quelquefois un abus du grotesque ; mais le fond de Raisebilder, la pensée sérieuse cachée sous ce rire amer, c’est le réveil de l’Allemagne, c’est l’hymne de liberté que chantera la Teutonie à l’heure de cohésion et de délivrance ; c’est cette haine des petites oppressions, des despotismes de quartier et de rue, haine qui s’attaque à la perruque de M. le conseiller, ne pouvant mieux ; c’est surtout une guerre positive, une guerre utile à cette tendance vers les spéculations métaphysiques, qui livre l’Allemagne aux ergoteurs, qui la laisse impuissante et désarmée. L’intelligent patriotisme de M. Henri Heyne a mis à nu la plaie ; d’autres viendront ensuite qui la découvriront plus largement encore. Si on parvient à la sonder tout entière, elle sera bientôt guérie.

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HOFFMANN, célèbre romancier allemand,
né à Kœnigsberg le 24 janvier 1776, mort en 1822.


CONTES FANTASTIQUES, 16 vol. in-12, 1829 et années suivantes. — Hoffmann est un auteur d’un genre d’ouvrages fort extraordinaires ; il a un talent particulier pour découvrir le merveilleux où nous le soupçonnons le moins, il lui suffit d’un mot, d’une circonstance indifférente pour éveiller notre imagination : tout ce