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m’en suis plus souvenu du tout. » Il se tut, et la belle Fleur d’Épine, au lieu de parler, se laissa doucement aller vers lui comme auparavant, et appuya ses mains sur celles qu’il remit autour d’elle pour la soutenir. — Dans la foule de peintures que l’amour a fournies (et il en fournira jusqu’à la fin du monde), il n’y en a peut-être pas une plus vraie, plus douce et plus gracieuse : elle remplit le cœur de l’idée d’un de ces moments délicieux qui sont faits pour lui, et qui sont d’un prix d’autant plus grand, qu’il semble que tout ce que l’amour promet soit encore au-dessus de tout ce qu’il peut donner.

MÉMOIRES DE LA VIE DU COMTE DE GRAMMONT, contenant particulièrement l’Histoire de la cour d’Angleterre sous Charles II, 2 vol. in-8, 1813. — Une des éditions les plus recherchées est celle de 1772, in-4, imprimée par les soins d’Horace Walpole ; c’est la première qui ait fourni des notes sur les personnages que le comte d’Hamilton a si ingénieusement mis en scène.

De tous les livres frivoles, les Mémoires de Grammont sont un des plus agréables et des plus ingénieux ; c’est l’ouvrage d’un esprit léger et fin, accoutumé, dans la corruption des cours, à ne connaître d’autre vice que le ridicule, à couvrir les plus mauvaises mœurs d’un vernis d’élégance, à rapporter tout au plaisir et à la gaieté. Il y a, dans ces Mémoires, quelque chose du ton de Voiture, mais infiniment perfectionné. L’art de raconter les petites choses de manière à les faire valoir beaucoup, y est dans sa perfection. L’histoire de l’habit volé par Termes est en ce genre un modèle unique. Ce livre est le premier où l’on ait montré souvent cette sorte d’esprit qu’on a depuis appelé persifflage, que Voiture avait mis quelquefois en usage avant qu’il fût connu sous ce nom, et qui consiste à dire plaisamment des choses sérieuses, et sérieusement des choses frivoles. Mais cet esprit demande beaucoup de mesure et de choix, et n’a rien de commun avec le langage décousu, néologique, vague et burlesque, que de nos jours on a qualifié du nom de persifflage, et qui n’est qu’une absence totale de sens et de goût, une espèce de badinage d’autant plus éloigné du bon ton, qu’il semble plus y prétendre. Il n’y a personne qui n’ait lu les Mémoires de Grammont : quel lecteur n’a pas présentes à l’esprit, et ces scènes plaisantes contées avec tant de sel et d’enjouement, et ces saillies spirituelles du comte de Grammont, et ces naïvetés non moins spirituelles de son ami Matha ? Qui n’a pas ri cent fois du premier, lorsqu’il est dupe au jeu, et même, tranchons le mot, lorsqu’il y est fripon ? tant une narration gaie et un ingénieux badinage savent colorer d’un vernis agréable des actions peu honnêtes. Qui ne s’est égayé de ses campagnes dans les lignes d’Arras et au siége de Trin, et de ses amours