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la développer d’une manière très-ingénieuse ; aussi Caleb Williams est-il un livre fort curieux.

MANDEVILLE, histoire anglaise du XVIIe siècle, traduit de l’anglais par J. Cohen, 4 vol. in-12, 1818. — Mandeville est un de ces malheureux dont l’âme n’est jamais sans orage, et qui, en proie à une bourrasque perpétuelle de passions, ne peuvent cependant être regardés comme des fous complets. Il croit que le genre humain a conspiré contre lui ; et pour se protéger lui-même contre ce prétendu complot, il a recours aux plus horribles expédients. Le caractère de Mandeville est admirablement dessiné, la conception est frappante et le langage de l’auteur d’une puissante énergie. — La scène du roman est placée sous le protectorat de Cromwell. L’auteur suppose que Mandeville passa les premières années de sa vie dans une retraite austère, circonstance qui, jointe au genre d’éducation qui lui fut donnée, ne fit qu’ajouter à la disposition mélancolique qu’il avait reçue de la nature, et à la sombre activité d’une imagination ardente, qu’augmentèrent encore les leçons d’un précepteur fanatique. Dès son jeune âge se développa dans le caractère du jeune Mandeville cette propension haineuse qui devait empoisonner sa vie. Tout en rendant justice aux vertus de son précepteur, il le haïssait en secret, et mettait même une sorte d’amour-propre à lui résister et à l’humilier. Après avoir passé douze années dans une solitude telle, que la vue des marchands et des ouvriers que la nécessité faisait appeler au château était pour lui un grand événement, il apprit qu’il allait recevoir la visite de sa sœur. Elle vint, il la vit, et conçut pour elle une amitié et une admiration si passionnée, que pour la caractériser il faudrait lui donner un autre nom. Peu après, il entra au collége de Winchester. Là, son humeur atrabilaire acheva de se montrer. Il se trouvait dans le même collége un jeune homme nommé Clifford, dont les qualités aimables, les dispositions bienveillantes, la bonté du cœur ne peuvent rien sur le caractère de Mandeville, qui ressent pour son jeune camarade une invincible aversion. Clifford exerce par son esprit, ses opinions, ses goûts, une grande influence sur les étudiants, et ses succès ne font qu’accroître la haine et l’envie de Mandeville. Le plus innocemment du monde, Clifford se trouve toujours sur son chemin : sollicite-t-il une place, Clifford l’obtient ; se trouve-t-il au milieu d’un cercle d’amis dont il fixe l’attention, Clifford arrive, et son amabilité brillante éclipse tout. Un dernier événement porte la haine injuste de Mandeville à son comble. Clifford devient amoureux de sa sœur, et celle-ci le paye du plus tendre retour. Dès lors sa haine n’a plus de bornes ; elle prend tous les caractères de la folie. Ses parents jugent qu’une aliénation mentale